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OGM : vingt ans de progrès, vingt ans de controverses

Publié en ligne le 14 juin 2019 - OGM et biotechnologies -
Introduction du dossier

Il y a maintenant six ans, une véritable opération de communication était organisée autour d’un article, rétracté un an après par la revue scientifique qui l’avait publié [1], prétendant démontrer que des rats nourris à partir d’un maïs OGM mouraient plus jeunes et développaient davantage de tumeurs.

Dans le cadre de cette opération, Le Nouvel Observateur 1 daté du 20 septembre 2012 affichait en gros caractères et en couverture : « Oui, les OGM sont des poisons ! » Son dossier « en exclusivité » parlait d’une « bombe à fragmentation scientifique, sanitaire, politique et industrielle » qui « pulvérise […] une vérité officielle, [celle de] l’innocuité du maïs génétiquement modifié. » La communauté scientifique n’avait pas eu le temps de prendre connaissance des travaux « menés secrètement » par le Pr Gilles-Éric Séralini ni de l’article final, soigneusement mis sous embargo, qu’un véritable tsunami médiatique emportait tout sur son passage. Six ans plus tard, trois études menées à l’échelle européenne invalident définitivement les travaux de Séralini (voir l’article « Non, les OGM ne sont pas des poisons : l’“étude choc” six ans après »), mais avec une couverture médiatique plus discrète.

L’un des objectifs revendiqué de l’opération était d’obtenir une réglementation européenne plus stricte encadrant les études de toxicité des OGM. Avec un certain succès : dans la foulée de la publication, le gouvernement français demandait une remise à plat du dispositif communautaire d’évaluation, d’autorisation et de contrôle des OGM et des pesticides et réaffirmait sa détermination à maintenir le moratoire sur les OGM qu’il avait instauré quelques mois plus tôt. (voir l’article « Études de toxicité des OGM : le cadre réglementaire européen est-il à revoir ? »).

Pour le grand public, et c’était sans doute le principal objectif visé, le résultat est une méfiance renforcée et qui restera durablement ancrée. Ainsi, une enquête d’opinion révélait que, juste après la médiatisation de l’étude, 79 % des personnes interrogées se déclaraient inquiètes devant la menace éventuelle constituée par les OGM, soit un gain de plus de quatorze points en un an, alors que ce taux était stable depuis sept ans [2].

Cet épisode a constitué le point d’orgue d’une longue période de controverses. Mais, à lui seul, il illustre parfaitement ce qui se déroule depuis plus de vingt ans : la science a été rendue inaudible, étouffée par la désinformation, par les campagnes médiatiques et idéologiques, et par les manœuvres politiques. En France, ce sont des dizaines de cultures de plantes OGM qui ont été arrachées depuis la première destruction d’un champ de colza OGM dans l’Isère en 1997. Et, contrairement au discours parfois véhiculé, la recherche est également ciblée. Ainsi, en 1999, c’est une serre de confinement du Cirad 2, près de Montpellier, qui est saccagée ; elle abritait un projet européen de recherche sur les gènes du riz et une étude internationale sur la résistance du riz aux insectes. En 2010, c’est une parcelle de plusieurs dizaines de pieds de vignes OGM à Colmar qui est détruite, parcelle sur laquelle l’Inra 3 menait une expérimentation en plein air pour tester la résistance de porte-greffes génétiquement modifiés à une maladie virale de la vigne, le court-noué. Une partie de ces programmes d’expérimentation en plein champ avait pour objectif d’évaluer la sécurité sanitaire et environnementale des OGM et tous avaient recueilli un avis favorable des autorités scientifiques et administratives concernées. Le dispositif de Colmar avait même été « co-construit avec la société civile » (filière viticole, associations de consommateurs et de défenseurs de l’environnement, syndicats agricoles…).

Les OGM ont été diabolisés à tel point que le développement d’une nouvelle variété de riz permettant de contribuer à la réduction d’un problème majeur de santé 4 a suscité une intense campagne d’opposition au seul motif qu’il s’appuyait sur la mise au point d’un OGM (voir le dossier « Riz doré : et si un OGM aidait à sauver des vies ? » [3]).

De moratoires en clauses de sauvegarde et en interdictions, la science s’est ainsi effacée et une vision très négative des biotechnologies s’est installée dans l’opinion publique. Pendant ce temps, la recherche a pourtant beaucoup progressé à l’échelle planétaire et ses applications, réelles ou potentielles, se multiplient, concernant notamment la santé au sens global du terme – santé végétale, animale et humaine (voir l’article OGM : une source de progrès pour la santé (One Health) ).

Une catégorie juridique spécifique aux OGM avait été établie en 2001 au niveau européen pour les variétés de plantes créées par transgenèse. Cette catégorie s’avère impropre sur le plan scientifique dans la mesure où d’autres techniques de création variétale conduisant à des résultats similaires ne sont pas soumises aux mêmes exigences. Ceci pose un problème plus général de définition de la notion même d’OGM, récemment étendue par une décision de la Cour de justice de l’Union européenne aux organismes obtenus par l’utilisation d’un certain nombre de techniques nouvelles (voir l’article « Les OGM : une catégorie juridique aux contours débattus »), dont la technique CRISPR-Cas9 [4] qui permet de produire des organismes par mutagenèse dirigée, mais sans apport d’ADN étranger.

Les bénéfices (environnementaux en particulier) des biotechnologies pourraient-ils être mis à profit par l’agriculture bio ? La question peut sembler incongrue dans la mesure où le cahier des charges du « bio » interdit explicitement le recours aux OGM. Mais un point de vue moins idéologique pourrait conclure l’inverse (voir l’article « Faut-il opposer agriculture biologique et biotechnologies ? »).

Ce dossier n’a bien entendu pas prétention à être exhaustif, ni sur les progrès apportés par les OGM ni sur les controverses qu’ils suscitent. Ainsi, par exemple, pour en rester aux seules plantes génétiquement modifiées, il n’aborde pas la possible dispersion non contrôlée de gènes dans l’environnement [5].

Comme toute technologie, transgenèse et édition du génome permettent des applications potentiellement bénéfiques mais soulèvent aussi leur lot de questions quant aux implications environnementale, économique, éthique et politique. Mais la science doit pouvoir se développer, s’exprimer sans être instrumentalisée à des fins partisanes ou idéologiques, ni écrasée sous les rumeurs et la désinformation. Et ses applications, quand elles deviennent fiables, doivent pouvoir être considérées dans la panoplie des solutions que la société peut mettre en œuvre.

Références

[1] Séralini G-É et al., “RETRACTED : Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize”, Food and Chemical Toxicology, 2012, 50:4221-4231. Disponible sur le site sciencedirect.com
[2] Ifop, « Les Français et les OGM », septembre 2012. Sur ifop.fr
[3] Dossier « Riz doré : et si un OGM aidait à sauver des vies ? », SPS n° 307, janvier 2014.
[4] Kaplan JC, Voir « CRISPR-Cas9 : un scalpel génomique à double tranchant », SPS n° 320, avril 2017.
[5] Haut conseil des biotechnologies, « Avis sur les nouvelles techniques d’obtention de plantes (new plant breeding tech-niques-NPBT) », Conseil scientifique, 2 novembre 2017.
Sur hautconseildesbiotechnologies.fr

Mutagenèse, transgenèse, édition génomique…

L’information génétique transmise par une plante à sa descendance est principalement codée sous la forme d’une succession de nucléotides (les fameux A, T, C et G) qui constituent les molécules d’ADN contenues dans le noyau des cellules. La sélection des plantes est apparue avec le début de l’agri-culture, il y a plusieurs milliers d’années. Il s’agissait alors de replanter les graines is-sues des plantes jugées les plus intéressantes. Les premières techniques de croisement et d’hybridation sont apparues au XIXe siècle. Mais c’est au XXe siècle, avec une meilleure compréhension des bases de la génétique que de nouvelles techniques voient le jour.

Mutagenèse.
Les techniques de mutagenèse permettent d’induire des modifications dans la succession des nucléotides de l’ADN. La conséquence de ces mutations est la production par les cellules concernées de protéines différentes des protéines normalement produites.

Mutagenèse aléatoire.
Provoquées sous l’action d’agents mutagènes (certaines substances chimiques, rayonnements ultra-violets ou radioactivité, par exemple), les modifications sont aléatoires et affectent les nucléotides sans contrôle du nucléotide concerné. Il faut donc passer par une phase de sélection pour identifier les mutations favorables.

Mutagenèse dirigée ou édition génomique.
Les progrès de la biologie moléculaire, la découverte et la maîtrise de l’activité des enzymes, molécules biologiques, intervenant dans la réparation de l’ADN ont permis, dès la fin des années 1970 et surtout au cours des dix dernières années, de mettre au point des techniques touchant des nucléotides précis. Le terme « édition génomique » fait référence au sens anglais de réécriture ou modification du génome. L’outil CRISPR-Cas9 fait partie de ces techniques.

Transgenèse.
La transgenèse est une technique qui permet le transfert d’un gène isolé du génome d’une première espèce A dans le génome d’une seconde espèce B apportant à cette dernière une nouvelle caractéristique qu’elle ne possédait pas auparavant.

Forçage génétique.
Cet ensemble de techniques récentes consiste à associer au gène d’intérêt inséré par transgenèse un système moléculaire qui favorise sa duplication dans le génome de l’individu receveur, augmentant ainsi la chance de transmission à la descendance (donc de diffusion dans une large population au cours des générations successives).

1 Devenu L’Obs en octobre 2014

2 Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement

3 Institut national de la recherche agronomique

4 Lié à une carence en vitamine A qui touche, selon l’OMS, 250 millions d’enfants de moins de cinq ans à l’échelle mondiale, rendant aveugles chaque année de 250 000 à 500 000 d’entre eux, dont la moitié décède dans les douze mois.


Thème : OGM et biotechnologies

Mots-clés : OGM