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Des OGM emblématiques objets de violentes oppositions

Publié en ligne le 22 décembre 2024 - OGM et biotechnologies -

L’aubergine Brinjal Bt

L’aubergine (Brinjal, Solanum melongena), originaire d’Inde […] apporte dans l’alimentation des populations peu favorisées du sous-continent indien et des Philippines des nutriments essentiels (vitamines par exemple). Elle est ravagée localement par un lépidoptère qui provoque de lourdes pertes, jusqu’à 86 % des récoltes au Bangladesh. Des traitements insecticides répétés et rapprochés (entre vingt à quarante) sont nécessaires, ce qui n’est pas sans conséquence pour l’environnement et la santé des agriculteurs. Les applications sont en effet réalisées avec des moyens antiques et rudimentaires (pulvérisateurs à dos portés sans vêtements de protection individuelle).

De longues recherches ont été menées en Inde pour apporter une solution aux ravages de l’insecte. Elles ont été réalisées par la société Mahyco (Maharashtra Hybrid Seeds Company), premier producteur de semences en Inde en collaboration avec l’université de Tamil Nadu, afin d’obtenir des variétés locales d’aubergines transgéniques Bt résistantes au lépidoptère ravageur.

Sous la pression de puissantes associations opposées aux OGM [1] et malgré des essais en champs expérimentaux concluants, en 2010, les autorités indiennes, suivies par celles des Philippines en 2011, ont décidé d’un moratoire. C’est alors que prenant le contre-pied de ces décisions, le gouvernement du Bangladesh, s’appuyant sur les travaux d’organismes de recherche nationaux, décida de donner des graines d’aubergine Bt à des agriculteurs pour réaliser des essais au champ. Le succès fut fulgurant : en 2020, ce sont 27 000 exploitants agricoles qui la cultivent. Cette adoption rapide est le résultat de chiffres éloquents : diminution de 45 % des infestations du lépidoptère foreur, économie de pesticides de 61 % et une multiplication par six du revenu à l’hectare de la culture [2]. Des études d’impacts économiques dans cinq districts du Bangladesh sont en cours [3].

Le riz doré

Le projet de créer ce riz transgénique est né en 1992. Il avait pour objectif de transformer cette plante afin qu’elle synthétise un précurseur de la vitamine A, du β-carotène. L’avitaminose A engendre notamment la xérophtalmie, une maladie qui affecte, selon l’OMS, plus de cinq millions d’enfants préscolaires des populations pauvres et près de dix millions de femmes enceintes dans les pays en développement.

Ses auteurs, Ingo Potrykus de l’École polytechnique fédérale de Zurich (Suisse) et Peter Beyer de l’université de Fribourg-enBrisgau (Allemagne), ont créé en 2000 par génie génétique une voie de biosynthèse nouvelle pour que la plante produise du β-carotène. Des travaux complémentaires furent réalisés en partenariat avec la société suisse Syngenta, pour obtenir une transformation plus efficace. Il fut décidé que le riz doré bénéficierait de licences libres autorisant une action humanitaire.

Objet d’une intense campagne de dénigrement de la part de l’ONG Greenpeace (voir [4]) et de l’activiste indienne Vandana Shiva, le riz doré est victime de saccages, notamment des essais expérimentaux de riz doré sont vandalisés aux Philippines en 2014. En réaction, 107 lauréats du prix Nobel ont signé et adressé à l’ONU en 2016 un manifeste [5] pour condamner la campagne de Greenpeace.

Depuis le début 2018, l’Australie et la Nouvelle-Zélande puis le Canada et les ÉtatsUnis autorisent la commercialisation du riz doré pour une consommation alimentaire afin d’encourager la mise en culture dans des pays tropicaux. Et fin juillet 2021, les Philippines deviennent le premier pays au monde à autoriser la culture du riz doré à des fins commerciales.

Mais le 23 avril 2024, un tribunal philippin saisi par Greenpeace et d’autres associations a décidé de suspendre les autorisations accordées au riz doré et à l’aubergine Bt [5].

Source
Adapté de Regnault-Roger C, Enjeux biotechnologiques : des OGM à l’édition du génome, Presses de l’École des mines – Académie d’agriculture de France, mai 2022.