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Trois plantes « OGM » et leurs effets sur l’environnement

Publié en ligne le 31 décembre 2003 - OGM et biotechnologies -

À la fin du mois d’octobre, la presse s’est fait l’écho d’une étude menée en Grande-Bretagne sur les effets environnementaux de trois plantes, un maïs, un colza et une betterave, génétiquement modifiées pour résister à un herbicide à large spectre, le glufosinate 1. Nous avons demandé à Louis-Marie Houdebine 2 ce qu’il pensait de cette étude et de ses résultats. Il a bien voulu nous communiquer l’article qu’il a publié à ce sujet dans les Cahiers Agricultures. En voici de larges extraits.

Après des études d’impacts sur l’environnement significatives mais limitées, « les OGM se sont imposés dans certains pays. Une des craintes des biotechnologistes, et désormais de l’opinion publique, est que la culture à grande échelle des OGM s’accompagne de leur dissémination dans l’environnement comprenant un croisement avec des plantes sauvages. »

Des résultats crédibles 3

« L’étude spécifique menée en Grande-Bretagne [...] a été réalisée dans 60 sites différents sur une longue durée, ce qui assure la crédibilité de ses résultats. La mesure des impacts de ces OGM a consisté à évaluer la présence des herbes sauvages ainsi que le nombre d’insectes dans et en bordure des champs.

Les résultats essentiels sont assez simples à résumer. Le glufosinate réduit notablement la présence des herbes sauvages en périphérie dans les champs de colza et de betterave mais paradoxalement pas de maïs.

Les insectes, et notamment les papillons, qui ont besoin des herbes sauvages pour vivre sont plus rares en périphérie et dans les champs de colza et de betterave alors que l’inverse a été observé pour le maïs.

La conclusion de ces travaux est que les trois OGM ont un impact mesurable sur la flore et la faune locales. Cet impact n’est pas directement dû au glufosinate connu pour ne pas avoir d’effets secondaires de ce genre, ni aux OGM en tant que tels, mais à la quantité d’herbes sauvages. »

Quelles décisions prendre après cette étude ?

« Les décisions qui doivent logiquement suivre ces observations ne vont pas de soi. Rien n’indique en effet que la moindre présence de quelques espèces d’insectes les met le moins du monde en péril. La présence des papillons dans un champ ne saurait par ailleurs être retenue comme critère essentiel pour juger du bien-fondé d’une méthode d’agriculture. Le passage d’une culture à une autre dans un champ, année après année, doit avoir un impact beaucoup plus fort sur la faune et la flore que l’utilisation d’une plante transgénique au lieu de la plante normale. Le véritable impact sur l’environnement est de toute façon l’agriculture elle-même quelle qu’elle soit.

Les responsables politiques vont donc devoir tenir compte des résultats de ces expériences mais pas avant d’avoir évalué l’impact à long terme de l’utilisation des trois OGM en question. »

En conclusion, Louis-Marie Houdebine considère que les nombreux commentaires émis par des opposants aux OGM manquent de l’objectivité qui conviendrait « au débat honnête que réclament pourtant les citoyens ». À ceux, notamment, qui considèrent que « ces expériences démontrent la nocivité fondamentale des OGM », il répond : « C’est oublier que les champs de maïs résistants au glufosinate abritaient plus de papillons que le champ contrôlé. Il conviendrait donc, en toute logique, au minimum de ne pas considérer comme nuisibles les OGM mais deux d’entre eux seulement, le colza et la betterave, et de recommander l’utilisation du maïs ».

D’autres aspects à envisager

Quoi qu’il en soit, à notre avis, les critères d’évaluation devraient être plus largement explorés, sur d’autres aspects non envisagés dans l’étude anglaise (influence des plantes transgéniques sur le biotope, sur les transferts de gènes aux espèces sauvages, etc.) ?

Les enjeux socio-économiques sont énormes et la décision sur la levée du moratoire ne peut être prise à la légère, et surtout pas sur la base de considérations strictement politiciennes et démagogiques : d’autres investigations sont nécessaires.

2 Directeur de recherches au Laboratoire de Biologie Cellulaire et Moléculaire de l’INRA, L.-M. Houdebine est notamment l’auteur de l’article « Les OGM : une grande conquête ou le pire des fléaux ? » paru dans le n° 259 de SPS.

3 Les intertitres sont de la rédaction de SPS.