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Psychothérapie de Dieu

Publié en ligne le 20 avril 2018
Psychothérapie de Dieu

Boris Cyrulnik
Odile Jacob, 2017, 316 pages, 22,90 €

Boris Cyrulnik est un psychiatre qui s’est relativement détaché de la psychanalyse. Conformément à la tradition freudienne, la plupart de ses explications renvoient au passé, à ceci près qu’il use (et abuse) du concept d’attachement. Ainsi « Dieu est une figure d’attachement » (p. 96). Notre attachement à Dieu dépend du type d’attachement dont nous avons bénéficié dans l’enfance. Il y a, dit Boris Cyrulnik, « transfert d’attachement ». Ceux qui ont bénéficié d’un bon attachement sont ouverts à d’autres croyances que celles de leur milieu d’origine. Ceux qui ont eu un développement difficile ont besoin de certitudes et sont fermés à toute autre croyance, ce qui est le cas des radicalisés.

Boris Cyrulnik commence et termine son ouvrage par l’affirmation que Dieu souffre. Il cite Élie Wiesel qui, au retour d’Auschwitz, « a compris que Dieu était souffrant puisque le mal existe » (p. 8). Il conclut à sa dernière page : « Dieu souffre quand le mal existe ». Toutefois, le livre ne traite guère de la façon d’atténuer la souffrance de Dieu, mais du fait que la croyance religieuse peut avoir des effets thérapeutiques : donner un sens à la vie, sécuriser, favoriser l’estime de soi, donner une explication cohérente des événements, indiquer la direction du bonheur, donner le sentiment de pouvoir influencer Dieu et donc des événements par des prières et des sacrifices, faire croire qu’il suffit d’obéir pour aller au Paradis.

L’ouvrage contient des erreurs factuelles, par exemple : « L’Inquisition a été déclenchée en 1066 pour récupérer le Tombeau du Christ volé par les Arabes » (p. 198). En fait, il s’agit d’un organisme judiciaire ecclésiastique créé au XIIIe siècle pour lutter contre les hérésies. Une cinquantaine de pages plus loin : « L’Inquisition a fait cesser les guerres intestines (1231-1233) et a rassemblé la chrétienté » (p. 250). En fait, les « guerres intestines » de la chrétienté, loin d’avoir cessé grâce à l’Inquisition après trois ans (!), ont duré des siècles.

Boris Cyrulnik donne régulièrement des références, mais c’est le plus souvent pour des idées banales. Par contre, quand il affirme des choses étonnantes, les références sont absentes. Exemple : à propos des « récits collectifs qui mettent de l’ombre à des faits » : « Dans les années d’après-guerre, il n’y avait pas de Juifs à Auschwitz. La religion préoccupait si peu les récits de l’époque qu’il n’y avait, dans ce camp d’extermination, que des Roumains, des Hongrois, des Allemands ou des Français, mais pas plus de Juifs que de Bouddhistes. Le faible souci du sacré dans les années 1945-1960 ne mettait pas en lumière la mémoire religieuse. En revanche, la glorification des héros russes et des résistants remplissait les films, les romans et les conflits politiques » (p. 239s).

L’ensemble de l’ouvrage manque de rigueur. Par exemple, Boris Cyrulnik écrit qu’un groupe de déprimés traités par « psychothérapie » ont tous été guéris grâce au « travail de la parole » et la « recherche dans le passé d’images et de mots » (p. 153). Ainsi le lecteur imagine qu’il s’agit d’une cure freudienne. Or la référence donnée permet de constater, quand on prend la peine de lire l’étude en question, qu’il s’agit d’une « psychothérapie interpersonnelle » de douze semaines, où les patients ont appris à résoudre des conflits interpersonnels, à développer de nouvelles relations et activités. Les auteurs de cette étude précisent qu’il y a eu 38 % d’amélioration (évaluée par l’échelle de dépression de Hamilton), c’est-à-dire moins de la moitié ! Boris Cyrulnik écrit joliment, c’est un merveilleux conteur. Sa rigueur, hélas, est toute « freudienne » 1.

1 Cf. Van Rillaer J, « Le freudisme : un conte scientifique », 2014. Sur pseudo-sciences.org


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