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« Penser critique », un cours en ligne de l’université catholique de Louvain

Publié en ligne le 23 juillet 2024 - Esprit critique et zététique -

L’université catholique de Louvain propose un cours en ligne (en anglais Massive Open Online Course, ou MOOC) intitulé « Penser critique » [1]. Il est accessible sur la plateforme EdX créée par des universitaires de Harvard et du MIT et compte aujourd’hui plus de 34 millions d’utilisateurs [2]. L’inscription est gratuite, mais le cours n’est disponible que pendant 14 semaines après l’inscription. La version gratuite donne accès aux vidéos, interviews et documents ainsi qu’à certains exercices. La certification de suivi coûte 99 dollars.

Les six intervenants sont professeurs ou docteurs en science de l’éducation, didactique des sciences, écriture de scénario et production audiovisuelle, biologie animale ou sciences économiques et sociales. Chaque module contient des vidéos d’une dizaine de minutes maximum, retranscrites par écrit avec les points importants rappelés de manière très pédagogique. Un court questionnaire et des exercices permettant de vérifier la compréhension du contenu par l’étudiant et de l’inciter à réfléchir sur une situation concrète accompagnent l’ensemble. Des devoirs sont inscrits au programme de la version payante. Une bibliographie importante permet d’aller plus loin. Enfin, un forum permet, comme en « présentiel », des discussions entre étudiants et professeurs.

Une enquête ludique en guise de fil conducteur

« Mais où a bien pu passer l’esprit critique ? Telle est la question posée par Skullenberg et Van Mulder, nos deux agents (très) spéciaux. Ensemble, ils vont braver le froid, les plumes d’oiseaux, les éprouvettes de laboratoire et les ascenseurs meurtriers pour tenter de repérer les indices qui mèneront à… l’esprit critique. Et si la vérité était ailleurs ? Menez l’enquête avec eux ! » Le cours met en scène avec humour deux enquêteurs à la recherche d’un assassin à partir d’une scène de crime. Chacun des sept modules propose une analyse de leur méthode d’investigation en exposant les erreurs qu’ils commettent.

Dans le premier module, l’établissement du portrait-robot du tueur est l’occasion de se questionner sur la qualité de l’information reçue et sur les risques liés à la diffusion d’une information peu fiable. Ce premier module se conclut en présentant les caractéristiques de la pensée critique : remise en question, analyse des sources, nécessité de s’interroger sur nos idées préconçues et de lutter contre ce qui nous conforte dans nos opinions.

Le deuxième module se déroule sur la scène de crime analysée de manière peu rigoureuse par nos deux enquêteurs. C’est l’occasion de définir les thèmes centraux qui sont abordés : biais cognitifs, préconceptions et stéréotypes. Un des exercices propose l’interprétation de l’image d’une foule. La discussion sur le forum permet de se rendre compte des différences d’interprétation des étudiants en fonction de leur culture. Prendre conscience de ces biais permettra de mieux s’en prémunir lors de l’analyse d’une situation ou d’une information.

La vidéo d’introduction du module suivant montre un des enquêteurs qui semble terrifié par un animal mystérieux qui se révèle être une araignée. C’est en réalité une illustration à la fois humoristique et dramatique des techniques audiovisuelles. Tout informateur a un message à faire passer, pour cela il choisit ses mots, la syntaxe, les images et fait un récit pour marquer son auditoire. Les techniques visant à captiver le lecteur, l’auditeur ou le spectateur, les accroches utilisées, l’importance de la communication gestuelle et le montage des images sont détaillés. « Être critique, c’est aussi être capable d’identifier les trucs et astuces qui peuvent influencer notre perception d’un discours », telle est la conclusion de cette partie.

Couverture de roman illustrée par William Gillies (1911-2000)

L’enquête se poursuit par une analyse astrologique du profil de la victime. C’est l’occasion d’aborder plus en détail la notion de la qualité des sources d’information et d’apprendre à mieux reconnaître celles qui sont dignes de confiance. Un des devoirs proposés consiste à comparer les résultats d’une recherche sur Internet faite avec deux moteurs différents, puis de comparer ces mêmes résultats avec ceux obtenus par d’autres étudiants. Cet exercice permet de mettre en évidence les caractéristiques des algorithmes sous-jacents qui savent s’adapter au contexte et aux profils connus des personnes. L’étudiant est encouragé à vérifier ses sources par différents moyens et à se poser les bonnes questions : qui parle ? est-ce un journaliste ? un scientifique ? énonce-t-il des faits ou des opinions ? les informations sont-elles corroborées par d’autres ? l’article cite-t-il ses sources ? Des études, issues de publications scientifiques ou non, sont présentées, qui permettent de s’entraîner à vérifier ces différents critères.

Le cinquième module s’ouvre sur la présentation d’une hypothèse pour expliquer le meurtre : l’intervention d’un vampire. Nos deux enquêteurs manquent donc singulièrement de méthode pour résoudre leur problème, et comme il est rappelé : « Une démarche inappropriée ne peut mener à des réponses fiables. » La démarche scientifique est illustrée par des entretiens avec des chercheurs : méthodologie et raisonnement mis en œuvre dans leurs travaux et questionnements qui les accompagnent sont exposés. Cette valorisation de la méthode scientifique est pondérée par une mise en garde sur le danger de la sacralisation de la science : elle est faite par des humains qui peuvent se tromper, et elle est en constante évolution. L’exercice terminal propose de relever les indices qui permettent de distinguer une information scientifique d’une information pseudo-scientifique.

Illustration anonyme de couverture pour l’illustré Nick Carter, 1910

Nos apprentis enquêteurs ont recueilli de très nombreux indices qui ne leur seront d’aucune utilité. Effectivement, ce n’est pas facile d’interpréter toutes les informations. Le module 6 nous donne les clés pour faire le tri dans les données, qu’elles soient quantitatives ou qualitatives. Les incontournables notions de statistiques sont abordées grâce à plusieurs questionnaires à choix multiples visant à bien expliciter différentes méthodes expérimentales. Par exemple, celles appropriées aux analyses quantitatives et celles spécifiques des études qualitatives. Les notions fondamentales de taille d’échantillon, de marge d’erreur, de causalité et de corrélation sont illustrées, souvent de façon amusante (par exemple, l’étude de la relation entre la consommation de chocolat et le nombre de prix Nobel dans un pays). En conclusion, les auteurs nous invitent à prendre du recul devant les chiffres et, surtout, à ne pas les surinterpréter.

Le septième et dernier module nous fait prendre conscience des limites de la science : admettre qu’elle ne répond pas à toutes nos questions, que ses échelles de temps pour produire des résultats ne sont pas celles de la société et que le consensus scientifique peut être parfois long à obtenir. Par ailleurs, « la science demande une neutralité et une objectivité souvent difficiles à atteindre », il est donc nécessaire de se questionner régulièrement sur les raisonnements mis en œuvre. Enfin les sociétés sont souvent en décalage avec les résultats scientifiques et ne sont pas toujours prêtes à accepter les nouveaux paradigmes. La dernière vidéo bonus illustre de manière humoristique la notion d’arrière-pensée, rarement absente de toute activité humaine...

Conclusion

Cette description n’est qu’un résumé de ce cours très dense et son contenu est beaucoup plus substantiel que pourraient laisser penser ces quelques lignes. Sa présentation très vivante, claire et insistant bien sur les points importants est accessible à tous. Les notions abordées sont traitées en profondeur et sous plusieurs angles. Les exercices sont pertinents et aident l’étudiant à comprendre les notions abordées. Le travail à fournir est cependant intense si l’on veut réaliser tous les exercices proposés et il doit être terminé dans les 14 semaines prévues.

Références


1 | Le cours en ligne « Penser critique » de l’université catholique de Louvain.
2 | « Avis edX : que vaut cette plateforme de cours en ligne », sur meilleur-mooc.fr, consulté le 6 mars 2024.

Publié dans le n° 348 de la revue


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L' auteur

Isabelle Dore

Docteur en biologie moléculaire et cellulaire de l’université de Strasbourg et néanmoins assistante maternelle. Elle (…)

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