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Le pape et la science

Publié en ligne le 31 octobre 2006 - Science et religion -

Ciel & espace (novembre 2006) prend son bâton de pèlerin pour dénoncer les influences de l’Église catholique sur la bonne marche de la science. Benoît XVI avait bien prévenu, dès son intronisation : « nous ne sommes pas le produit accidentel et dépourvu de sens de l’évolution. ». La guerre de l’Église catholique à la théorie de l’évolution était ainsi ouverte. Il semblait bien pourtant qu’en Europe la cohabitation avait pris bonne figure. Nombre de croyants adhérent à la théorie de l’évolution sans dévaloriser ou affaiblir leur foi. Tel le Père George Coyne, directeur de l’observatoire du Vatican depuis 28 ans, partisan de l’évolution, et qui a préféré démissionner plutôt que d’accepter de servir le dieu « designer et dictateur » du nouveau pape. Il avait auparavant bataillé par voie de presse contre un proche de Benoît XVI, Christoph Schönborg, qui affirmait que « tout système de pensée qui nie ou cherche à réfuter la preuve écrasante qu’il y a un "design" en biologie est de l’idéologie, pas de la science. »

La science doit-elle s’inquiéter de cette position pontificale, qui représente un retour en arrière de l’Église puisque Jean-Paul II avait, lui, pris le parti de considérer l’évolution comme étant « plus qu’une théorie » (1996) ? En tout cas, ce durcissement du pape actuel pousse à la vigilance accrue. Le quotidien The Guardian émet l’hypothèse, dans son édition du 28 août, que le pape pourrait se rallier à la théorie du dessein intelligent.

Ciel & espace arrive ainsi sur les plages américaines du dessein intelligent, qui n’est que la version, habillée de science, du créationnisme. Le Discovery Institute, très influent, installé à Seattle, orchestre les influences de cette doctrine par des communications agressives envers la science, et des exigences de pouvoir sur les manuels scolaires. Une autre organisation créationniste a vu le jour dans le Kentucky « Answers in genesis » (réponse dans la genèse) : riche, puissante, elle finance un projet de musée dédié à la création.

Il semble pourtant que le pape n’aille pas aussi loin dans ses convictions. Il a organisé à la fin de l’été un colloque intitulé « Le rapport entre évolution et création » où des contradicteurs étaient invités : C. Schönborg, G. Coyne, ainsi que le biologiste moléculaire P. Schuster, auteur de lettres contre les propos de Schönborg. Aucun compte-rendu de ce séminaire n’est encore disponible mais P. Schuster a révélé que le souverain pontife « a tenu à faire une séparation nette entre la position de l’Église romaine catholique, d’une part, et les mouvements créationnistes et du dessein intelligent, d’autre part. Et en matière de science, nul changement de cap ne semble s’opérer par rapport à Jean-Paul II. »

Ciel & espace n’oublie pas de mentionner l’Université interdisciplinaires de Paris, qui fustige les matérialistes et les identifie à des « réductionnistes ». Et donne la parole à Guillaume Lecointre, spécialiste de la classification du vivant au Museum d’histoire naturelle, qui apporte une nuance fondamentale : le matérialisme et le réductionnisme sont, en science, deux concepts différents. G. Lecointre insiste aussi sur le fait que la science a elle aussi une morale, dans « le contrôle social » exercé, et qu’il ne faut pas oublier que la religion n’en a pas le monopole. La fin de l’article met en avant la possibilité, bien installée en Europe, de croyants qui vivent en bonne intelligence avec la science.


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L' auteur

Agnès Lenoire

Agnès Lenoire est enseignante. Elle a été membre du comité de rédaction de Science et pseudo-sciences. Elle (...)

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