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Bilan de la Foi chrétienne

Publié en ligne le 29 juin 2024
Bilan de la Foi chrétienne
René Pommier
Éditions Orizons, 2024, 228 pages, 20 €

Ce titre insipide et faussement objectif cache, dans le droit fil des précédentes publications de René Pommier, une critique féroce autant qu’érudite non tant de la foi en tant que telle – on sait qu’elle ne se prête à aucune analyse au sens strict – que des croyances sur lesquelles repose la doctrine chrétienne, même s’il peut y avoir des différences d’une obédience à l’autre : la nature et la filiation divines de Jésus, le péché originel, le « trois-en-un » de la Trinité, le Purgatoire et les limbes, la transsubstantiation, la résurrection des morts, sont quelques-uns des préceptes doctrinaux dont il s’attache à démontrer à quel point ils ont été discutés, controversés, parfois même inventés, avant d’être érigés en dogmes intangibles.

Au prix de lectures à coup sûr longues, le spécialiste de l’explication de texte qu’est l’essayiste français R. Pommier s’attache à démontrer les nombreuses contradictions entre les différents textes fondateurs de la doctrine chrétienne. Il fait ainsi justice de leur faible crédibilité, ce que d’autres ont fait avant lui.

À commencer par les contradictions entre la Bible elle-même, base de toute croyance chrétienne, et les exégèses et autres interprétations qu’elle a connues en vingt siècles de christianisme : nombreux sont les auteurs qui n’hésitent pas à imputer au texte sacré des idées dont René Pommier démontre aisément soit qu’elles n’y figurent pas, soit même qu’elles n’auraient aucune raison logique d’y trouver place.

Surtout, l’auteur va plus loin encore dans l’analyse critique, en montrant à quel point même les grands noms de la patristique 1, saint Thomas d’Aquin, saint Augustin, saint Eusèbe ou d’autres, pour ne citer que les plus connus, non seulement se contredisent allègrement entre eux, mais parfois même se contredisent eux-mêmes à quelques lignes de distance.

Et même si quelques-uns des éléments de dogme sont désormais ramenés, pour la plupart des croyants, à leur valeur purement métaphorique, comme le récit de la création – encore que le créationnisme et son avatar moderne l’intelligent design aient encore trop d’adeptes – R. Pommier cherche et trouve aisément la trace de ces croyances absurdes dans des textes qui font, aujourd’hui encore, référence — notamment dans l’Église catholique.

Toute cette exploration est menée, comme toujours, sous le double signe d’une rigoureuse érudition et de la verve polémique la plus incisive et la plus mordante qui soit. Ce qui fait de cet ouvrage de R. Pommier, malheureusement, son dernier puisqu’il nous a quittés le 10 mai 2024, un texte aussi instructif qu’amusant par son style pamphlétaire, dont on a peine à se détacher une fois qu’on en entreprend la lecture. Tout compte fait, ce titre apparemment banal imposé par l’éditeur n’est pas si mal choisi : le bilan de toutes ces croyances est, en effet, bien mince, pour ne pas dire nul.

Souhaitons que cela nous donne au moins l’envie de lire, voire de relire car c’est un plaisir toujours renouvelé, les autres essais dans lesquels R. Pommier déboulonne quelques vaches sacrées telles que Sigmund Freud, Roland Barthes, René Girard, Blaise Pascal et d’autres encore. Science et pseudo-sciences a déjà eu l’occasion de saluer certaines de ces parutions. Il eût été inconvenant de ne pas rendre un dernier hommage à ce ferrailleur acharné qu’aura été R. Pommier tout au long de sa carrière et de sa retraite.

1 Selon la définition du Larousse, la patristique est l’histoire des dogmes et de la théologie des Pères de l’Église.