Dieu, la contre-enquête
Publié en ligne le 13 novembre 2022HumenSciences, 2022, 368 pages, 20,90 €
Écrit en réaction au livre Dieu, la science, les preuves (Guy Trédaniel éditeur, 2021), cet ouvrage, articulé en quatre parties, a pour objectif avoué de démonter les supposées preuves de l’existence de Dieu, annoncées à grand fracas médiatique par les auteurs Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies.
La contre-enquête menée par Thomas C. Durand 1 commence par un glossaire permettant au lecteur de clairement différencier les termes qui seront utilisés dans la suite de l’ouvrage par exemple théisme, déisme, athéisme, agnosticisme.
L’auteur nous présente ensuite sa démarche en posant en préambule que le but n’est pas de prouver que Dieu n’existe pas mais plutôt de combattre « les allégations de ceux qui dispensent des certitudes prétendument éclairées par la science ». Il essaie alors dans un premier temps de définir l’entité Dieu, ce qui est d’autant plus difficile que toutes les religions ne s’entendent pas sur une définition commune, loin de là. Malgré tout, les trois grandes religions monothéistes s’accordent à dire que Dieu est omnipotent, omniscient et infiniment bon. Mais, comme le fait fort justement remarquer T. C. Durand, il est impossible d’accorder ensemble ces trois qualificatifs sans rapidement mettre en évidence des contradictions logiques (par exemple comment un Dieu infiniment bon pourrait-il laisser massacrer des innocents, alors que son omnipotence lui permettrait de les empêcher ?).
Mais alors pourquoi croire ? Comme le souligne l’auteur : « Celui qui croit X aura toujours tendance à penser qu’il a d’excellentes raisons de penser ce qu’il pense, quand bien souvent il aurait surtout des motifs de le faire (biais d’éducation, ignorance des alternatives, ethnocentrisme, présupposés, […] angoisse existentielle…). »
T. C. Durand se propose donc, dans une deuxième partie, d’examiner ce que valent ces « preuves » de l’existence de Dieu même si, comme il le souligne, « la plupart des croyants ont conscience de ne pas détenir de “preuve” au sens fort, […] mais des raisons de défendre la rationalité de leurs croyances ». Quelles sont ces fameuses preuves : la nécessaire existence d’un grand horloger (un créateur à la base de la création) ? un réglage fin de l’Univers (un ajustement précis de la valeur des constantes physiques sans lequel l’Homme n’existerait pas) ? l’idée d’un dessein intelligent (explication séduisante à la supposée perfection de la Nature) ? Toutes ces « preuves » ainsi que d’autres que nous ne détaillerons pas ici sont minutieusement examinées et implacablement réfutées dans le livre.
Dans son ouvrage, l’auteur aborde également beaucoup d’autres points dont la question des Écritures, celle des miracles, celle de l’existence d’une âme ou le phénomène des mariophanies (apparitions de la Vierge). Sur ce dernier sujet, la légende de Fatima 2 mérite une attention particulière car elle constitue une des preuves majeures de l’existence de Dieu selon Bolloré et Bonnassies. Mais, entre les témoignages de Lucia (l’aînée des trois bergers) qui varient au cours du temps, les versions des trois enfants, plus ou moins contradictoires entre elles, T. C. Durand se livre à une contre-enquête passionnante et très détaillée sur ce qui s’est réellement passé en replaçant les événements dans leur contexte historique.
Alors science et religion sont-elles compatibles ? Selon l’auteur, « depuis le XIXe siècle, la religion cherche l’approbation de la science, mais l’inverse n’est pas vrai », et le conflit existe. Comme l’a montré le sociologue des sciences Yves Gingras 3, le dialogue entre science et religion est une imposture.
Ce livre est une réaction salutaire à ceux qui, à grands renforts de moyens financiers, essaient de nous faire croire que la science est au service de Dieu, comme le laisse entendre le bandeau rouge « La Science, nouvelle alliée de Dieu ! » accompagnant le livre de Bolloré et Bonnassies. Il n’est donc pas inutile, comme le fait l’auteur, de rappeler qu’il avait été refusé par toutes les grandes maisons d’édition pour finalement « échouer » aux éditions Trédaniel dont le catalogue regorge de livres d’ésotérisme, de mysticisme, de pseudo-médecines, de pseudo-science.
1 Thomas C. Durand est cofondateur de la chaîne YouTube La Tronche en biais.
2 En 1917 à Fatima, petit village du Portugal, la Vierge serait « apparue » à trois jeunes bergers pour leur demander des sacrifices expiatoires et leur donne rendez-vous le 13 de chaque mois. Au fil des mois, de plus en plus de fidèles se rendent au lieu des apparitions mais seuls les enfants « voient » la Vierge.
3 Gingras Y, L’Impossible dialogue : Sciences et religions, Presses universitaires de France, 2016.