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Darwin, le hasard et Dieu

Publié en ligne le 14 juillet 2008
Darwin, le hasard et Dieu

Michel Delsol
Présentation et posface de Jean-Michel Maldamé
Librairie Vrin, 2007, 142 p., 10 €

Michel Delsol est à la fois docteur en sciences et en philosophie. Auteur de multiples travaux dans le domaine des problèmes évolutionnistes, il a occupé une chaire à l’université catholique de Lyon, en même temps qu’un poste de directeur à l’école pratique des Hautes Études. C’est au titre de ces préoccupations et de ses convictions religieuses qu’il nous livre ce petit livre résumant le point de vue d’un biologiste darwinien de confession catholique.

Je dis darwinien, plutôt qu’évolutionniste, dans la mesure où tant de biologistes français ont affiché un point de vue antidarwinien, sous le couvert d’une position qualifiée parfois de lamarckienne, qui visait pour l’essentiel à refuser le couple mutation au hasard-sélection naturelle. Citons, parmi les plus illustres, Pierre-P. Grassé (1895-1985), qui occupa la chaire d’évolution des êtres organisés et dirigea un monumental Traité de Zoologie… auquel participa Michel Delsol, (qui retient uniquement que Grassé était croyant). Georges Teissier (1900-1972), contemporain de Grassé, professeur de Zoologie à la Sorbonne, qui fut membre d’honneur de l’Union rationaliste, demeura longtemps isolé en France dans sa défense du darwinisme. « Nous ne dédarwinisons pas » lançait-il, attaché à l’intégrité de la doctrine du maître, en 1961 dans un débat entre biologistes où Jean Rostand, lui-même, qui avait tant fait pour défendre le darwinisme dans ses ouvrages de vulgarisation, vacillait dans ses positions devant les obstacles que rencontrait la thèse de Darwin et souhaitait que l’on soit moins darwinien (cf. G. Gohau, « La descendance de Darwin », Raison Présente n° 66).

Or le hasard des mutations introduit une composante qui réfute tout dessein intelligent et a fortiori toute création. Cela rend délicate la position des croyants. Et depuis Darwin, on sait les préventions des autorités religieuses à l’égard des idées évolutionnistes. Le père Teilhard qui sut pourtant opposer un dedans des choses spirituel au dehors matériel en fit l’expérience amère. En se lançant dans la bataille, il est vrai un demi-siècle après la mort du jésuite, Michel Delsol fait-il preuve d’un certain courage ?

Son petit livre contient deux parties successives. En quatre chapitres, sur la matière vivante, sur l’évolution biologique, sur le comportement animal et sur l’intelligence humaine, l’auteur nous présente les données de la science, auxquelles il adhère, et qui ne peuvent être réfutées quoiqu’elles se présentent comme un point de vue matérialiste. Ce qui donne, du fait de sa clarté, une excellente mise au point scientifique où chrétiens et athées trouveront une pâture commune. Vient ensuite un chapitre nous conduisant au-delà de la science vers des questions philosophiques. Celles-ci s’intéressent à un pourquoi dont la science ne peut chercher que le comment. Delsol adopte donc cette fameuse distinction chère à Comte (non nommé, il préfère se référer à une citation de Mgr Poupart !). Il dénonce le scientisme qui croit pouvoir tout expliquer par la science, mais c’est pour se réfugier dans le positivisme.

Si le cosmos est ordonné c’est qu’il est le produit d’une intelligence, plutôt d’une Intelligence, soit donc d’un Dessein. Le hasard, que Delsol définit par la rencontre de séries causales indépendantes, à la suite de Cournot, suppose l’existence de lois. L’ordre paraît s’extraire du désordre, mais c’est qu’il est en puissance dans le désordre initial. Sommes-nous dans l’Intelligent Design ? Il semble que non : pour lui les tenants de l’ID veulent chercher une cause mystérieuse, suite aux évolutionnistes chrétiens du siècle précédent qui croyaient à un mécanisme surnaturel alors que le sien est purement philosophique : le pourquoi est ultime, ou premier. Et la référence serait à chercher chez Thomas d’Aquin. Ce qui le rapproche de son préfacier… dont les thèses théologiques me sont trop étrangères pour que je m’y arrête.

Teilhard de Chardin, évolutionniste jésuite notoire n’est jamais cité. Peut-être Delsol refuse-t-il de placer l’esprit dans un dedans des choses, dont la proposition lui semblerait à prétention plus scientifique que philosophique (reproche partagé avec l’ID). Je me garderai de choisir entre ces thèses purement métaphysiques : mon incompétence assumée en cette matière me l’interdit. Au lecteur de tirer ses propres conclusions. En tout cas, la lecture du livre est stimulante, et je la recommande volontiers.

Il nous a paru intéressant de publier, associée au dossier sur le créationnisme, cette note de lecture de Gabriel Gohau pour un prochain numéro de Raison Présente dont il est co-directeur. Nous remercions vivement l’auteur et la rédaction de cette revue pour nous avoir autorisé cette publication.


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Auteur de la note

Gabriel Gohau

Docteur ès lettres et historien des sciences, Gabriel (...)

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Le 1er février 2012