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Dossier • Agriculture et pesticides

Sans pesticides ?

Publié en ligne le 29 avril 2016 - Pesticides -
Ce texte est une légère adaptation de l’introduction du chapitre consacré aux pesticides dans le livre Ils ont perdu la raison (Robert Laffont, 2014).

Des initiatives « sans pesticide », très médiatisées, se multiplient (« semaine sans pesticide », « villes et villages sans pesticide », « zone sans pesticide »…). Les arguments utilisés pourraient être repris pour justifier « une semaine sans médicament » : les médicaments peuvent être dangereux pour la santé. Effectivement, ils le sont toujours quand ils sont actifs, mais ils soignent aussi et c’est pour cela qu’ils ont été conçus à grands frais, pas pour être dangereux, mais pour guérir. Il arrive cependant qu’ils guérissent et soient dangereux, c’est même la règle. Ceux qui ont subi une chimiothérapie ont constaté dans leur chair la douloureuse véracité de ces propos.

De même, les pesticides sont utiles mais peuvent être dangereux. Ils ont été conçus pour tuer des « pestes », parasites de tous ordres (virus, bactéries, champignons, insectes, rongeurs, autres végétaux...) qui attaquent les plantes, détruisent les cultures et produisent des toxines souvent bien plus redou­tables que les microtraces de pesticides qui pour­raient encore subsister après la récolte de graines, feuilles ou fruits. En outre, ces « pestes » peuvent attaquer les humains, y compris en ville. La chenille processionnaire du pin est urticante. Les rats, qui cherchent le couvert des massifs floraux des jardins publics, sont porteurs de la leptospirose. La végé­tation des abords routiers peut être fatale pour les automobilistes, et comme la fauche peut l’être aussi pour les cantonniers, il est utile de désherber. C’est aussi ce que font les particuliers quand, dans leur jardin, ils souhaitent « nettoyer » les allées. Certes, il est possible de biner mais, en climat humide, les mauvaises herbes repoussent très vite. Enfin, les pes­ticides ont aussi des usages domestiques. Les parents d’enfants scolarisés ont utilisé, parfois à forte dose, des pesticides pour tenter de tuer les poux qui avaient élu domicile dans la chevelure de leur progéniture quand ils n’étaient pas eux-mêmes habités par ces « pestes » grouillantes et grattantes et on ne peut plus « naturelles ».

Les pesticides sont donc des substances destinées à lutter contre des êtres vivants (les « pestes ») qui attaquent d’autres êtres vivants (les plantes cultivées) qu’utilisent les hommes pour leur alimentation. Ils sont donc, par essence, toxiques pour les cibles pour lesquelles ils ont été sélectionnés, ils peuvent aussi constituer un risque pour d’autres êtres vivants, à commencer par les hommes qui les fabriquent, les transforment ou les épandent. Le profil toxicologique de ces substances est aujourd’hui bien connu et signalé aux utilisateurs. Les interrogations actuelles portent sur l’effet à long terme de leurs traces, en oubliant le plus souvent leurs réels et considérables bienfaits.

Les « bonnes pratiques de laboratoire »

L’Agence nationale du médicament et des produits de santé définit les « bonnes pratiques de laboratoire » (BPL) comme « un système de garantie de la qualité du mode d’organisation et de fonctionnement des laboratoires qui réalisent des essais de sécurité non cliniques sur les produits chimiques » et dont la finalité est « d’assurer la qualité, la reproductibilité et l’intégrité des données générées à des fins réglementaires » [1]. Il s’agit d’un ensemble de dispositions que doivent mettre en œuvre les laboratoires qui entendent faire des études sur les effets sur la santé ou l’environnement de produits destinés à être mis sur le marché. Des règles de qualité des opérations, de traçabilité des résultats et de contrôle qualité sont ainsi édictées et des vérifications sont faites régulièrement. Élaborées par un groupe d’experts de l’OCDE sur la base de la réglementation publiée en 1976 par la Food and Drug Administration américaine, ces BPL sont maintenant inscrites dans le droit européen et retranscrites dans le droit français pour les produits vétérinaires [2]. Leur mise en place visait à apporter une réponse aux nombreux cas de fraude ou de mauvaises pratiques constatés dans les années 1970 dans les laboratoires prestataires.

Le principe de telles dispositions devraient rencontrer l’assentiment de tous ceux qui sont attachés à la qualité des études, à leur reproductibilité et à l’examen des données et des résultats. Pourtant, l’association Générations Futures et le Pesticide Action Network ne partagent pas cet avis. Parce que des études allant dans le sens de leurs convictions ont été écartées par l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) pour non-respect des BPL, les deux ONG dénoncent des dispositions attentatoire à la « liberté de chercher » des « scientifiques indépendants » [3]. Certes, le respect de bonnes pratiques de laboratoire n’est pas suffisant à lui seul pour écarter « la mauvaise science », les mauvais plans d’expériences ou l’incompétence d’expérimentateurs. Mais on voit mal en quoi leur non-respect serait supérieur.

J-P.K.

1 | https://ansm.sante.fr/documents/ref...
2 | www.anses.fr/fr/system/files/Arrete...
3 | www.generations-futures.fr/2011gene...