Le cerveau, machine à inventer

Professeur émérite de neurologie et biologie cellulaire à l’université Pierre et Marie Curie, membre de l’Académie des sciences depuis 2009, Yves Agid se présente comme un « amoureux des chercheurs et de la science  », ce qui le motive à vouloir partager cet amour auprès du public à travers ce livre.

Il part d’un constat assez simple, à savoir que tout le monde n’a pas la capacité de créer, d’inventer et de découvrir, même dans le monde de la recherche. Ainsi, fort de sa légitimité de chercheur (il a été de nombreuses fois distingué pour ses travaux sur les mécanismes et les conséquences de la mort neuronale), il propose de partir en quête des déterminants qui seraient susceptibles d’expliquer que certains soient capables, dans un contexte particulier, d’avoir ce zeste de génie les menant à la découverte d’une connaissance nouvelle, potentiellement source de progrès pour la société.

Pour aborder ce sujet, l’auteur s’applique à lui-même l’éthique prônée par Karl Popper : « C’est le devoir moral de tous les intellectuels de tendre vers la simplicité. » Ainsi, si le sujet développé dans ce livre est d’une grande complexité, sa lecture ne l’est pas. Il constitue donc, pour un large public, une excellente fenêtre ouverte sur le fonctionnement de la recherche scientifique et de ce qui se trame dans l’esprit des personnes de cette communauté.

Il nous est proposé d’explorer la mécanique de la découverte scientifique à travers trois axes. Premièrement, la description des étapes du travail intellectuel qui guide le chercheur vers une découverte. Si la rigueur, l’organisation et la ténacité sont indispensables, l’auteur met l’accent sur l’indispensable nécessité de faire preuve d’un esprit d’imagination créatif pour espérer avoir cette « illumination » qui jaillira de l’esprit et lèvera le voile d’une portion encore inconnue du monde réel. S’en suivra alors une longue étape de vérification des résultats obtenus. Cet ouvrage attire notre attention sur l’équilibre nécessaire entre des qualités jugées parfois contradictoires, telles que la pensée imaginative articulée avec le contrôle de la pensée rationnelle logique.

Dans un second temps, l’auteur aborde l’environnement propice aux découvertes à travers son ancrage dans un contexte social (la communauté des chercheurs et chercheuses qui coopèrent ou se concurrencent), historique (la pensée scientifique en mouvement), technologique (catalyseur des découvertes).

Enfin, la dernière partie constitue l’originalité de ce livre. Y. Agid y propose des pistes d’explications sur la nature créatrice de notre esprit en ouvrant la boîte noire (crânienne), pour en décortiquer le fonctionnement cognitif. En résumé, comment du simple fonctionnement de nos réseaux neuronaux, pourrait émerger une telle pensée inventive ?

La simplification volontaire et assumée de la part de Y. Agid est particulièrement réussie tant la lecture de l’ouvrage en est rendue fluide. Par ailleurs, l’illustration du texte par des croquis permettra au lecteur de mieux saisir le sens du propos de l’auteur, surtout lorsque des concepts complexes et abstraits liés à la cognition humaine sont abordés. Un lecteur habitué aux ouvrages traitant d’histoire et de philosophie des sciences pourrait y voir quelques banalités.

En conclusion, si la curiosité naturelle est un des déterminants indispensables pour développer le don de créer, il n’est pas suffisant pour faire de nous des pionniers de la conquête de la connaissance. Pour savoir précisément quels sont les autres éléments nécessaires, laissez votre curiosité vous guider dans la lecture de cet ouvrage.