Exorcisme

Gérald Bronner est sociologue et membre du comité de parrainage de l’Afis et de sa revue Science et pseudo-sciences. Son domaine d’étude, les croyances collectives, nous intéresse tout particulièrement. Pour quiconque connaissant l’œuvre de l’auteur, il est difficile d’imaginer plus incrédule… et pourtant !

Exorcisme, récit autobiographique, conte un moment particulier : une jeunesse marquée du sceau de la croyance. Une croyance s’approchant, de l’aveu même de l’auteur, d’une forme de New Age. Le monde s’apprêtant à changer, il convenait selon lui d’en trouver les signes afin d’être préparé. Pour G. Bronner et sa bande d’amis d’une quinzaine d’années, le Nancy des années 80 était le centre névralgique de l’apocalypse. Symbolisme, recherche sur la franc-maçonnerie, graffitis louches, tout était bon à prendre pour enrichir le syncrétisme du groupe d’adolescents. On y découvre même l’auteur flirtant avec la délinquance, à deux doigts de basculer dans la criminalité.

Seulement voilà, l’apocalypse tardait à venir. Les contingences de la vie aidant, voici la troupe éloignée et Gérald Bronner en études de sociologie où il apprendra, selon la formule, qu’on peut croire à des choses folles sans être fou soi-même. Une fois son parcours universitaire et ses rencontres exposés, on comprend mieux son adhésion à l’individualisme méthodologique, paradigme soutenant que l’explication en sociologie se situe au niveau des individus et de leurs actions, buts et intérêts.

Au-delà de son cas personnel, ce récit autobiographique illustre à merveille la puissance des processus de croyance qui ne sélectionnent dans le réel que les éléments lui donnant raison. Il est étrange de s’imaginer le sociologue tel qu’on le connaît aujourd’hui pris dans ses obsessions de jeunesse, mais c’est bien ce qui rend le récit savoureux : pour quiconque apprécie l’auteur et son œuvre, les morceaux de désenchantement et de désillusion politique sont captivants et permettent, le temps d’une lecture, de voir l’auteur appliquer lucidement son savoir à lui-même.