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Un monde fou, fou, fou : août 2007

Publié en ligne le 14 juin 2008 - Rationalisme -

À qui faites-vous confiance ? Qui est influent ?

Une enquête réalisée du 24 au 26 janvier 2007 par TNS-SOFRES pour Le Figaro Magazine apporte quelques éclairages intéressants. À la question : « Pour chacune des institutions ou catégories de personnes suivantes, diriez-vous que son influence dans la société française est plus importante, moins importante ou aussi importante qu’il y a une dizaine d’années ? », on retrouve en tête des influences en hausse : Internet, la télévision, la publicité, les journalistes, les associations de consommateurs, les mouvements écologistes, les actionnaires et les financiers. Les scientifiques et les chercheurs arrivent en 24e position, derrière les humoristes et les psys, juste devant les médecins.

Mais si l’on demande aux mêmes personnes, à qui elles font elles-mêmes confiance, la donne est largement inversée… Les scientifiques et les chercheurs (90 % « tout à fait » ou « plutôt confiance ») prennent la première place, suivis des médecins (88 %). Internet, les journalistes, la publicité ou la télévision arrivent loin derrière. Si on devait résumer, on pourrait dire que ceux qui ont le plus d’influence ne sont pas ceux à qui l’on fait confiance. Et quant à ceux qui prétendent que la science est discréditée, les résultats de cette enquête (comme bien d’autres avant) devraient leur inspirer plus de prudence.

Point intéressant : l’enquête montre une légère augmentation de l’influence perçue des parasciences, mais ces dernières arrivent en avant-dernière place en terme de confiance, juste devant les sectes, et derrière les actionnaires et les financiers. Influence (perçue) en légère hausse, mais confiance très faible… notre combat n’est pas perdu.

Il s’agit bien entendu d’une enquête d’opinion. Gardons notre esprit critique. Pour cela, lisez le dossier de ce numéro de Science et pseudo-sciences « Peut-on tout faire dire aux nombres ? ». Et reportez-vous aux résultats de l’enquête : https://www.tns-sofres.com/

J.-P. K.

Feuilles d’or

Dans le numéro daté 24/25 juin, Le Monde publie un court écho intitulé « Des feuilles d’or pour vivifier l’organisme ». Après avoir rappelé que le pouvoir thérapeutique des feuilles d’or aurait été connu des Chinois et des Romains, on nous apprend qu’une firme pharmaceutique japonaise les commercialise sous forme d’idéogrammes qu’on laisse flotter sur une boisson avant de l’avaler.

Ce ne serait là qu’une pseudo-thérapeutique de plus, n’étaient les considérations physiques qu’on nous propose : sous le coup du stress le corps dégagerait des ions positifs, et l’or absorbé provoquerait l’émission d’ions négatifs pour en contrebalancer l’effet. Bien entendu cela n’a aucun sens physique, et on ne peut que déplorer qu’un journal se voulant sérieux émette de telles affirmations sans le moindre esprit critique. Les mots de la physique (ions, ondes, radiations…) sont mis à toutes les sauces par les marchands d’illusions qui ne se soucient pas d’éduquer le public sur les réalités qu’ils recouvrent. Certes ce n’est pas leur but, mais comment accepter que les médias suivent, sans se poser de question, les voies de la désinformation ?

J.G.

Europe et créationnisme

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe devait discuter et voter durant sa session ouverte le 25 juin 2007 un rapport préconisant que les thèses créationnistes ou assimilables restent en dehors des programmes scientifiques des établissements scolaires européens. Le parlementaire français Guy Lengagne, mathématicien, professeur émérite des universités, rapporteur de la commission de la culture, de la science et de l’éducation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, a été sollicité puis désigné pour rédiger et présenter ce rapport, lequel a été adopté lors de la dernière réunion de la commission le 31 mai 2007 à Saint Petersbourg.

Guy Lengagne souligne que les idées créationnistes peuvent faire l’objet de discussions dans le cadre d’études non scientifiques et précise que « tous les grands représentants des principales religions monothéistes ont une attitude beaucoup plus modérée ». Parmi les exemples de campagnes créationnistes récentes en Europe, il évoque le cas de l’écrivain turc Harun Yahya, qui a publié un Atlas de la Création de 750 pages gratuitement distribué dans des écoles en France, en Suisse, en Belgique et en Espagne. Cette enquête affirme en outre que des responsables politiques ont commencé à remettre en cause la théorie de l’évolution en Pologne, en Italie, en Serbie et aux Pays-Bas. Ainsi, en 2004, la ministre italienne de l’enseignement suggérait d’abandonner l’apprentissage de la théorie de l’évolution dans le primaire et le secondaire. En 2005, la ministre néerlandaise de l’éducation estimait à son tour qu’il fallait mettre en débat la théorie de l’évolution et les thèses néo-créationnistes. À l’automne 2006, le vice-ministre polonais de l’éducation déclarait : « La théorie de l’évolution est un mensonge, une erreur qu ’on a légalisé comme une vérité courante ».

Pour nombre de francophones du continent européen la résurgence du créationnisme et de ses avatars est corrélée à l’activisme du mouvement évangélique nord-américain. Les mésaventures du conseil scolaire de Pittsburg en Pennsylvanie ou de Salluit dans le grand nord Québécois, tout comme l’ouverture récente de musées créationnistes à Cincinnati, Ohio ou dans l’Alberta canadien, font alors figure d’actualité insolite contribuant au portrait peu flatteur souvent dressé des États-Uniens.

Le 25 juin 2007, le parlementaire belge Luc Van den Brande, diplômé en droit canon de l’Université Catholique de Louvain, ancien ministre-président de la région flamande, président du groupe constitué du parti populaire européen et des démocrates chrétiens à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, a demandé que ce rapport ne soit pas discuté en séance plénière et soit donc renvoyé en commission : « le Conseil de l’Europe n’est pas une académie scientifique mais un organe politique. Il n’est donc pas approprié de discuter de ce sujet ici. ». Après vote, par 63 voix contre 46 et 10 absentions, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe décidait que ce rapport ne serait pas discuté.

La Fondation Teilhard de Chardin et le Muséum

Le 14 juin 2007, la direction du Muséum National d’Histoire Naturelle a fait état de sa décision de revoir les relations entre la Fondation Teilhard de Chardin et le Muséum, « dans un esprit de clarification ». Ce réexamen est consécutif aux discussions engagées au sein de l’institution depuis le début de l’année 2007 pour un réaménagement de la salle de lecture de la bibliothèque, la Fondation y étant hébergée par le Muséum.

Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955) était un scientifique de talent

comme le Muséum d’Histoire Naturelle n’a jamais cessé d’en compter et en compte aujourd’hui de nombreux. Mais c’est ès qualité de prêtre catholique qu’il mettra toute son énergie dans la recherche de l’impossible unité de la science et de la religion, tentative à partir de laquelle l’intrusion spiritualiste dans la synthèse scientifique prospéra jusqu’à l’envahir complètement et la muter en apothéose apologétique pour le christianisme.

On peut comprendre qu’à la suite du décès de Teilhard de Chardin, du fait du rayonnement intellectuel qui l’avait caractérisé, décision ait été prise en 1962 de réunir au Muséum, sous l’impulsion de ceux qui avaient travaillé avec lui, l’ensemble de son œuvre, tant sa quête de sens théologique et son activité scientifique étaient imbriquées. On peut néanmoins s’étonner qu’on ait laissé prospérer dans son ombre au sein de l’institution publique une association ouvertement religieuse comme l’association des Amis de Teilhard de Chardin.

Le projet de réaménagement de la médiathèque conduit à s’interroger de nouveau sur la pertinence du choix effectué par le Muséum National d’Histoire Naturelle, institution scientifique d’État, d’abriter le siège de la Fondation Teilhard de Chardin. Ce réexamen semble d’autant plus judicieux que la communication réalisée tant par la fondation que par l’association démontre une très grande confusion des genres entretenue aussi bien par l’une que par l’autre.