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Procès de l’Aquila en appel : acquittement des scientifiques

Publié en ligne le 12 décembre 2014 - Science et décision -

Comme indiqué dans le n° 303 de SPS, la peine infligée, le 22 octobre 2012, aux six scientifiques membres de la Commission des grands risques (CGR), par M. Billi, juge unique du tribunal de l’Aquila, était plus lourde que celle demandée par les procureurs.

La Cour d’appel de l’Aquila 1 vient d’annuler la sentence, acquittant les scientifiques. Elle maintient toutefois une peine de deux ans de prison pour le représentant de la Protection Civile, en ne sanctionnant qu’un seul des délits précédemment reconnus. On ne connaît pas encore les peines complémentaires qui pourront être conservées (dommages et intérêts, interdiction d’exercer…).

C’est le communiqué, fait à la suite d’une réunion des membres de la CGR, qui avait été considéré comme la cause des pertes humaines provoquées par le séisme. Les avocats des accusés ont fait reconnaître que cette réunion n’était pas une réunion officielle de la CGR et que les intervenants s’y étaient exprimés à titre personnel. Les informations auraient ensuite été transmises de façon déformée au fonctionnaire local de la Protection Civile et à la presse. Les avocats des parties civiles se sont évidemment opposés à cette argumentation : pour eux et pour le procureur, même dans une réunion non officielle, les experts gardaient leur statut de fonctionnaires publics.

En appel, le procureur a maintenu que la faute ne résidait pas dans l’absence d’alarme, mais dans l’analyse erronée, inadéquate et superficielle du risque et dans l’information qui avait été donnée aux habitants et qui les avait amenés, à tort, à négliger les mesures de protection qu’ils auraient prises en son absence. Ses paroles sont fortes : « Je confirme l’imprévisibilité du séisme. La réunion de la CGR du 31 mars 2009 à l’Aquila a été une opération médiatique pour tranquilliser la population, avec un caractère scénographique et mystificateur, à la fin de laquelle a été donnée une information inexacte, incomplète et trompeuse ».

Il va sans dire que l’annonce du nouveau verdict a été fraîchement accueillie par les habitants.

On voit bien, avec cet exemple, la difficulté pour la justice d’établir un verdict équilibré en matière de risques naturels, tenant compte d’une part des demandes de réparation des victimes, et de l’autre de l’impossibilité où sont les « experts » 2 de faire une évaluation correcte du risque. Pourrait-on envisager d’établir des catalogues des différentes crises observées et de leur évolution, en les classant par caractéristiques géologiques ? La comparaison de l’évolution de la crise actuelle avec certaines du passé pourrait éventuellement permettre de donner un avis sur son évolution possible. Les risques d’erreur seraient de toute façon considérables, du fait soit d’une statistique très insuffisante, soit d’une mauvaise catégorisation.

2 À la place desquels j’aurais pu me trouver à double titre !


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L' auteur

Georges Jobert

Georges Jobert est géophysicien et professeur honoraire à l’université Pierre et Marie Curie. Il a été directeur (...)

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