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Pourquoi je prends ma douche trois minutes de trop ?

Publié en ligne le 25 août 2023
Pourquoi je prends ma douche trois minutes de trop ?
Thierry Ripoll
Sciences Humaines Éditions, 2023, 312 pages, 20 €

Thierry Ripoll, professeur de psychologie cognitive et également présenté comme « écologue de terrain », nous propose, à travers ce livre écrit de façon agréablement didactique, une approche tout à fait originale des causes de la détérioration de l’écosystème. Dans une vision évolutionniste de la crise environnementale, il explique pourquoi cette situation inédite et potentiellement attentatoire à notre survie se présente : elle est d’abord inhérente à notre espèce et surtout au fonctionnement de notre cerveau et à son adaptation sélective au cours des centaines de milliers d’années de son existence. Selon l’auteur, il s’agit de comprendre pourquoi notre comportement peut en partie être déconnecté de notre conscience, pourquoi l’irrationnel peut l’emporter sur la raison, nous empêchant d’agir.

Quatorze chapitres précèdent les deux chapitres terminaux sur les solutions proposées. Ils traitent des obstacles à l’action, lesquels sont, selon l’auteur, psychologiques et politiques. Ils sont en fait autant d’approches du même problème global sous des angles volontairement différents.

L’auteur traite ainsi d’abord de la question de la conscience du problème environnemental, à l’échelon individuel et collectif. Ensuite il est question de survie et de reproduction des espèces, dont la nôtre, marquée par la croissance, au point de pouvoir être considérée comme invasive. On y traite du plaisir des espèces, et bien sûr de la nôtre en particulier ; du niveau de plaisir, des addictions ; de dopamine et de sérotonine… De nombreux autres aspects du comportement humain sont alors successivement analysés comme facteurs explicatifs de la crise environnementale. On distingue partout les causes proximales et distales, les bénéfices à court terme et ceux à long terme… Ainsi le titre accrocheur illustre le fait que l’individu privilégie naturellement le plaisir immédiat quand la raison lui dicte une certaine privation.

De très nombreuses références scientifiques illustrent les propos et démonstrations, lesquelles, bien que généralement séduisantes, peuvent cependant apparaître parfois contradictoires ou incohérentes. C’est le cas lorsqu’est évoqué l’altruisme, vs l’égoïsme. Mais l’auteur, guidé par le but de ses démonstrations successives, retombe toujours sur ses pieds. Néanmoins, j’ai relevé que l’émission de CO2 par Français est de 4 tonnes par an en page 247, devenue sans explication claire 6,9 tonnes en page 262.

Cet essai se veut plutôt optimiste et son auteur, étant scientifique, ne saurait cacher son caractère militant en faveur d’une réduction de la consommation. Les deux chapitres terminaux sont prescriptifs : ils proposent une solution politique qui serait le compte individuel d’impact environnemental comme remède à nos excès de consommation de ressources limitées. L’auteur a conscience du caractère utopique de la solution proposée ; pourtant il conclut que c’est notre comportement individuel et collectif actuel qui est irrationnel et que sa solution est « une utopie rationnelle du futur ».

Cette approche assez inédite de la crise environnementale par les sciences humaines a le mérite de permettre au lecteur, outre une lecture fort agréable voire passionnante, un très bon exercice d’initiation à l’esprit critique.