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Les rayonnements ultraviolets : amis et ennemis invisibles

Publié en ligne le 31 août 2009 - Ondes électromagnétiques -
par Jean-Pierre Césarini - SPS n° 286, juillet-septembre 2009

Sur la vaste étendue des rayonnements électromagnétiques, le rayonnement ultraviolet est proche des rayonnements X et et bien loin des fréquences radars, radios, et des basses fréquences. L’énergie transportée par ce rayonnement sans support matériel et émis naturellement à partir du soleil ne parvient que partiellement à la surface terrestre. Notre œil ne voit pas ce rayonnement, et notre peau ne le sent pas immédiatement, ce qui explique largement le risque encouru lors d’expositions importantes. Le rayonnement ultraviolet est également présent dans notre quotidien comme un parasite des sources lumineuses artificielles ou de certains procédés industriels apparus au 20e siècle.

Le rayonnement ultraviolet « naturel »

Il accompagne le rayonnement solaire et, en tant que tel, est responsable du développement de la vie sur notre planète. Avant de parvenir à la surface de la terre, il subit de la part de la stratosphère et de l’atmosphère des absorptions relativement sélectives qui éliminent pratiquement complètement les longueurs d’ondes les plus courtes et les plus énergétiques (les UVC entre 100 et 290 nm), à 90 % les UVB (290-315 nm) et à 50 % les UVA (315-390 nm). Des variations d’épaisseur de l’atmosphère en un point sont responsables des différences d’absorption selon la hauteur du soleil sur l’horizon, c’est-à-dire des variations au cours de la journée, des saisons, des latitudes et de l’altitude. Le niveau d’énergie est également tributaire du degré d’humidité atmosphérique, de la richesse en aérosols et particules et de l’ennuagement.

Comment agit le rayonnement ultraviolet sur le vivant ?

Le rayonnement ultraviolet est absorbé spécifiquement par les acides nucléiques présents dans la cellule (ADN nucléaire et mitochondrial, ARN), les flavonoïdes et les constituants lipidiques des membranes.

L’énergie véhiculée par ce rayonnement électromagnétique est transférée à ces matériaux dont la structure moléculaire est altérée et les fonctions perturbées. Ces lésions ainsi créées doivent être réparées correctement sous peine d’entraîner la mort cellulaire, mais le matériel génétique appelé à se diviser et être pérennisé peut être modifié (mutations). Rappelons que le cancer résulte essentiellement de la mutation de gènes régulateurs de la division cellulaire. L’évolution de la vie sur la terre à partir d’éléments monocellulaires serait due à des mutations spontanées auxquelles s’ajoutent des mutations induites par l’environnement, dont le rayonnement ultraviolet fait partie intégrante.

Les cibles du rayonnement ultraviolet

La peau et l’œil, organes au contact direct de l’environnement, sont la cible du rayonnement ultraviolet. Ils réagissent à l’absorption du rayonnement par le déclenchement de multiples phénomènes perçus par le sujet comme des effets indésirables. Au niveau de la peau, quelques heures après l’exposition, le sujet ressent une brûlure et observe une rougeur appelée communément coup de soleil (érythème actinique), accompagnée de chaleur et de douleur : signes cardinaux d’une inflammation. Cette brûlure doit être formellement distinguée des brûlures par agents caustiques, thermiques ou électriques dont les conséquences sont immédiates. La « brûlure solaire » retardée s’accompagne d’altérations du matériel génétique qui, faute de réparations adéquates, subira mutations et cancérisation. À long terme (plusieurs décennies), l’accumulation de ces altérations entraînera vieillissement et cancers cutanés. À l’agression par le rayonnement UV, l’épiderme répond par un épaississement (les multiplications cellulaires sont déclenchées par le processus de réparation) et une pigmentation (production de mélanines) : c’est le bronzage.

La structure anatomique de l’œil est beaucoup plus complexe que la peau. Cet organe est naturellement protégé par des structures anatomiques propres (paupières) et les massifs osseux voisins (arcades sourcilières et arête nasale). À l’agression d’une lumière intense, répond le réflexe d’aversion qui fait clore les paupières et détourner le regard. À l’agression par le rayonnement ultraviolet, la cornée répond par une sensation de sable ou de corps étranger (kératite). Seul le rayonnement UVA pénètre jusqu’au cristallin qui l’absorbe. Ce rayonnement sera responsable à long terme de la cataracte (opacification du cristallin), cause la plus fréquente de la perte de vision chez les sujets âgés. L’autre cause majeure de cécité est la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) dont on soupçonne la portion bleue du rayonnement visible d’être la cause. En effet, le rayonnement bleu traverse toutes les structures oculaires jusqu’à la rétine où il est absorbé, produisant des réactions de type oxydatif responsable de la dégénérescence rétinienne.

Inégalités génétiques vis-à-vis du rayonnement ultraviolet

Les enquêtes épidémiologiques concernant les cancers cutanés ont montré l’inégalité foncière des populations humaines vivant sur terre. Les cancers cutanés sont plus fréquents chez les sujets à peau claire que tous les autres cancers réunis. Extrêmement fréquents dans les populations à peau claire, les cancers cutanés sont pratiquement inexistants chez les populations à peau sombre. C’est la qualité et la quantité des mélanines présentes dans l’épiderme (caractéristiques génétiquement déterminées) qui expliquent ces différences. La programmation génétique des mélanines fait ressortir deux grands types : les mélanines rouges et les mélanines noires. Les mélanines rouges, de faible poids moléculaire, diffusent dans toutes les structures cellulaires et sont capables d’y absorber le rayonnement ultra-violet. Cette absorption entraîne leur destruction parallèlement à la production d’espèces réactives de l’oxygène, très agressives principalement pour le matériel génétique nucléaire. Au contraire, les mélanines noires (eumélanines) ont un poids moléculaire très élevé et sont capables d’absorber et neutraliser le rayonnement ultraviolet. La sensibilité de la peau aux expositions solaires dépend essentiellement de la quantité de mélanine présente dans l’épiderme. La vision moderne de la sensibilité solaire permet de concevoir trois types de réactions aux expositions et de déterminer le risque de développement de cancers cutanés parallèlement associés à la précocité du vieillissement cutané.

Les sujets à peau très claire, dits « mélano-compromis », quelques heures après une exposition de quelques minutes à un soleil tropical, déclenchent un érythème actinique car leur programme génétique mélanique produit essentiellement des mélanines rouges, peu filtrantes et hautement réactives. Aucune réaction de bronzage n’est observée dans les jours suivant ce coup de soleil, aucune adaptation de défense n’est possible. C’est chez ce type de sujets que plus de 80 % des 80 000 cancers cutanés enregistrés

annuellement en France sont observés. Leurs caractéristiques physiques sont aisément repérables : cheveux roux ou blonds, peau très claire avec taches de rousseur, incapacité à développer un bronzage protecteur.

Les sujets à peau claire, dits « mélano-compétents » ne déclenchent un érythème actinique qu’après une heure d’exposition solaire. Génétiquement, leurs mélanines sont un mélange à différents rapports de concentration de mélanines rouges et noires. Ils sont capables de développer un bronzage relativement protecteur. Cette capacité de protection est cependant dépassée chez les accros de la « bronzette » avec comme conséquence, l’apparition de cancers cutanés.

Les sujets à peau mate, d’origine asiatique ou métisse, ou à peau noire, sont des sujets « mélano-protégés ». En effet, génétiquement, leur épiderme contient essentiellement des mélanines noires en plus ou moins grandes quantités, capables éventuellement d’être présentes jusque dans les couches les plus externes de l’épiderme. Ces mélanines forment une véritable barrière physique, absorbant la totalité du rayonnement ultra-violet et abritant complètement les cellules basales de l’épiderme de l’agression du rayonnement UV. Ces sujets bronzent bien, et ce bronzage est protecteur. Chez eux le cancer cutané n’est pratiquement jamais observé.

À la naissance, le patrimoine génétique, hérité des deux parents, contient le « capital solaire » que chaque exposition au soleil ou au rayonnement UV artificiel entame. Quand ce capital est à zéro, apparaît le risque de cancer cutané.

La vitamine D et le rayonnement ultraviolet

La vitamine D est la vitamine essentielle nécessaire à la calcification des os. Sa carence est responsable chez l’enfant de rachitisme et chez l’adulte et plus particulièrement chez la femme ménopausée, responsable de l’ostéoporose. L’apport de la vitamine D par l’alimentation est un élément critique et une partie importante des besoins de l’organisme est couverte par une alimentation saine et équilibrée. Néanmoins, une partie non négligeable est fournie par la transformation du cholestérol dans l’épiderme, sous l’action du rayonnement ultraviolet essentiellement B. L’ensoleillement naturel dans les zones inter- et péri-tropicales permet aux populations à peau sombre d’échapper la plupart du temps au rachitisme. Il n’en serait pas de même dans les zones proches des pôles où le rayonnement UVB est beaucoup plus faible et saisonnier si les populations n’étaient pas à dominance de peau claire ou très claire et chez qui une ration alimentaire n’était pas enrichie en matières grasses animales riches en vitamine D. Une polémique s’est développée récemment, encourageant les populations des zones tempérées à rechercher les expositions au rayonnement UV afin d’augmenter les taux sanguins de vitamine D. Mais le risque de développer des cancers cutanés en excès serait alors bien réel.

L’index UV

Les offices internationaux de météorologie et l’Organisation Mondiale de la Santé, ont adopté depuis dix ans une échelle représentative de l’énergie solaire en prenant pour conséquence l’érythème actinique (coup de soleil) développé par la peau humaine. Il s’agit d’une véritable échelle de risque qui n’est pas limitée dans sa partie supérieure. Par ciel clair, lorsque le soleil est à son apogée, on calcule l’index-UV par, d’une part des satellites et d’autre part, par des spectrophotomètres positionnés au sol. C’est ainsi que l’index-UV, le 21 juin, a une valeur de 5 à Stockholm, de 8 sur les côtes de France en Méditerranée et de 12 dans les zones intertropicales. L‘index-UV doit être modulé par le degré d’ennuagement et la densité des aérosols. Cette échelle permet d’évaluer le risque de coup de soleil encouru par les différents types de peau mentionnés ci-dessus. Il permet de prévoir et d’adapter les photoprotections nécessaires pour éviter les inconvénients des expositions et des surexpositions.

La protection anti-UV

La protection anti-UV doit être adaptée à l’index-UV d’une part et à la sensibilité solaire individuelle d’autre part. Les sujets mélano-compromis présentent un coup de soleil significatif avec sensations désagréables (rougeur, chaleur, sommeil difficile, prurit) pour des expositions de 60 minutes, 30 minutes, 20 minutes sous respectivement des index-UV 5, 8, 12. Les sujets mélano-compétents présentent la même intensité de coup de soleil pour des expositions de 2 heures, 1 heure, 40 minutes sous respectivement des index-UV 5, 8, 12. Les sujets mélano-protégés ne présentent guère de coup de soleil pour des index-UV 5 et 8 mais ressentiront un désagrément pour 3 heures d’exposition à l’index-UV 12.

Pour éviter ces désagréments, les instances de santé recommandent aux sujets mélano-compromis de ne pas s’exposer pendant les heures chaudes (midi solaire plus ou moins deux heures) et d’utiliser toutes les méthodes adéquates à l’exception de tôt le matin et tard le soir. Les sujets mélanocompétents doivent se protéger pendant les 4 heures les plus chaudes. Les vêtements, un couvre-chef à bords de 7 cm et le port de lunettes antisolaires de grade 3 assurent la meilleure des photoprotections. Les produits cosmétiques dits « crèmes solaires » dont le facteur de protection est compris entre 15 et 50 ne doivent être utilisés que sur les zones non couvertes en adaptant le facteur de protection à l’intensité du soleil et à la sensibilité solaire individuelle. Les produits antisolaires doivent être réappliqués toutes les heures pour garder leur capacité de filtration et leur structure doit être adaptée à l’activité des sujets : crèmes résistantes à l’eau pour les nageurs par exemple. Les produits solaires ne doivent pas être utilisés pour allonger le temps d’exposition au soleil mais bien pour réduire l’agression du rayonnement ultraviolet solaire.

Idées reçues

Un certain nombre de mythes entourent les expositions au soleil et au rayonnement ultraviolet artificiel (appareils à bronzer) :
 Le rayonnement UVA est sans danger. Il n’y a pas de bons et de mauvais rayons UV. Dans le soleil autour de son zénith, il y a mille fois plus d’UVA (les bons) que d’UVB (les mauvais). Cependant, les UVB sont mille fois plus dangereux que les UVA. Le risque est donc identique pendant les heures les plus chaudes de la journée.
 Les UVB sont nécessaires à la production de vitamine D. Cela est vrai mais l’exposition, quelques minutes au soleil de midi, du dos des deux mains et des avant-bras suffit à la production de vitamine D pour une semaine.
 Il convient de s’exposer au début de l’été pour endurcir sa peau pour le futur. Cette allégation est fausse car la peau redevient aussi sensible au bout de deux mois mais elle conserve la mémoire des lésions infligées par ces expositions et leur cumul produit vieillissement et cancers cutanés. L’adaptation temporaire (bronzage) a un « coût biologique ». Chaque « coût biologique » entame le « capital solaire ».
 Quand on ne ressent pas la chaleur du soleil, la peau ne risque rien. Ceci est faux. En effet la chaleur ressentie par la peau est essentiellement le fait du rayonnement infrarouge qui est alors un indicateur de la puissance solaire et du rayonnement ultraviolet. Des brûlures graves peuvent être éprouvées quand certaines conditions réduisent la sensation de chaleur : vent, humidité, couverture nuageuse, brume et température extérieure basse.
 Le rayonnement ultraviolet n’est pas dangereux car prescrit par des médecins. Faux, car les médecins prescrivent des expositions au rayonnement ultraviolet naturel ou artificiel pour soigner certaines maladies bien spécifiques. Leur approche thérapeutique évalue le rapport bénéfice/risque, qui doit être bénéfique pour les patients.

Il faut insister sur la sensibilité particulière au rayonnement UV de la peau de l’enfant avant la puberté. Il est de la responsabilité des parents et des éducateurs de lui éviter tout coup de soleil. L’œil, quelle que soit la sensibilité cutanée, présente la même fragilité vis-à-vis de l’agression par le rayonnement UV et visible. Le port de lunettes est fortement recommandé dès le plus jeune âge, quel que soit le type de peau, lorsque l’ensoleillement oblige à fermer les paupières et déclenche le réflexe d’aversion.