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Inversions du champ géomagnétique et tectonique globale

Publié en ligne le 29 août 2012 - Ondes électromagnétiques -

Rappelons d’abord que l’on peut diviser l’intérieur de la Terre en trois couches principales :

  • Manteau, les 2900 premiers kilomètres, solide mais lentement déformable, composé de métalloïdes peu conducteurs, et dont la partie supérieure, d’une centaine de kilomètres d’épaisseur, la lithosphère, peut glisser sur une couche d’épaisseur analogue, plus aisément déformable, l’asthénosphère.
  • Noyau externe, liquide, métallique, entre 2900 et 5120 km de profondeur.
  • Graine, d’environ 1250 km de rayon, solide, métallique.

La partie principale du champ observé en surface – environ 90 % – est analogue au champ que créerait un aimant placé au voisinage du centre de la Terre, et légèrement incliné sur son axe de rotation. Comme un son musical, le champ magnétique de la Terre peut être décomposé en harmoniques, et ce champ dipolaire en est le premier harmonique. On peut calculer la valeur de ses composantes en multipliant son « moment » par un facteur dépendant de la position. S’y ajoutent des harmoniques qui décroissent beaucoup plus vite avec la distance au centre de la Terre, et qui constituent le champ non dipolaire. Ce dernier, beaucoup plus intense à la surface du noyau, y est largement prépondérant.

Le champ géomagnétique est dû à des courants électriques circulant dans le noyau externe. Ils correspondent à des courants de convection qui évacuent la chaleur propre du liquide, et celle due à la cristallisation de la graine. On a constaté qu’une trentaine de fois dans l’histoire de la Terre, les pôles de l’aimant virtuel correspondant s’étaient échangés. Ces inversions peuvent être déterminées grâce à l’aimantation fixée dans des laves quand celles-ci se refroidissent au-dessous d’environ 650° (leur point de Curie). Elles ont permis de déterminer l’âge des fonds océaniques et ainsi de fonder la théorie de la tectonique globale dans les années 1960.

Dans le manteau, d’autres courants de convection, avec des déplacements de l’ordre du centimètre par an, transfèrent vers la surface la chaleur perdue par le noyau et celle du manteau lui-même. Au-dessus de la matière chaude qui s’élève, du magma est injecté dans les couches superficielles, provoquant la formation de rifts continentaux et surtout l’expansion des fonds océaniques, le long de dorsales. Au bout de plusieurs dizaines de millions d’années, la lithosphère qui s’y est formée et s’en est écartée, s’est refroidie, et, devenue plus dense, s’enfonce dans le manteau (zones de subduction), contribuant à l’expansion sous la dorsale.

Récemment, on a proposé que la tectonique globale puisse être associée directement aux inversions du champ géomagnétique. La théorie [1] de ce champ, celle d’une météorologie électromagnétique, est une des plus difficiles de la géophysique interne. Mais les études de modèles numériques ou expérimentaux [2] semblent montrer qu’une inversion pouvait se produire quand les mouvements du fluide n’étaient plus symétriques par rapport à l’équateur. Or, les plaques lithosphériques qui se déplacent les unes par rapport aux autres, se déplacent aussi par rapport à l’équateur. On peut évaluer [3] le degré d’asymétrie équatoriale des plaques au cours des 300 derniers millions d’années. La figure compare la fréquence des inversions (en noir) et la variation de cette asymétrie (en bleu).

D’autre part, l’étude fine [4] de la séquence des inversions géomagnétiques depuis 160 millions d’années fait apparaître de brusques changements dans la variation de la fréquence des inversions. Ceux-ci suivent apparemment, avec un retard de l’ordre de 3 millions d’années, la formation ou l’arrêt de dorsales océaniques.

Il reste à déterminer les modalités de l’interaction de ces phénomènes. Des changements dans la circulation dans le noyau externe peuvent en induire dans celle du manteau. Inversement, la plongée de plaques froides jusqu’à la frontière noyau-manteau, peut perturber la circulation dans le noyau. Ceci constituera, ces prochaines années, une des questions majeures de la géophysique interne.

Depuis plusieurs siècles, le moment magnétique du dipôle décroît lentement, mais il reste notablement plus grand que lors du minimum estimé dans le dernier million d’années, qui ne fut d’ailleurs pas suivi d’une inversion. Lors d’une inversion, le champ dipolaire en surface devient plus faible que le champ non dipolaire, ce qui empêche de savoir s’il s’annule complètement. Sa direction passe graduellement d’un hémisphère à l’autre, au lieu de s’arrêter après une excursion de quelques dizaines de degrés, comme cela est arrivé fréquemment. À l’heure actuelle, on constate une accélération du déplacement du pôle de l’hémisphère Nord qui a quitté le nord du Canada en direction du nord-ouest.

De toute façon, même pendant une inversion, le champ non dipolaire reste présent.

[1] Voir par exemple http://www.futura-sciences.com/fr/n...
[2] F. Pétrélis, S. Fauve, E. Dormy, J. P. Valet. Phys. Rev. Lett. 102, 2008.
[3] F. Pétrélis, J. Besse, J.-P. Valet. Geophysical Research Letters. 2011
[4] L.E.Ricou et D.Gibert, C.r. Acad.sc., 325, Série IIa,1997.
http://www.ipgp.fr/~gibert/PDF_File...

Publié dans le n° 300 de la revue


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L' auteur

Georges Jobert

Georges Jobert est géophysicien et professeur honoraire à l’université Pierre et Marie Curie. Il a été directeur (...)

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