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InSight sur Mars

Publié en ligne le 11 août 2019 - Astronomie -

Depuis les débuts de l’exploration spatiale dans les années 1960, une trentaine de missions ont été lancées vers Mars, grâce auxquelles on en sait aujourd’hui beaucoup plus sur cette planète, plus particulièrement sur son sol et son atmosphère. Toutefois, jusqu’à la fin 2018, aucune mission n’avait sondé la structure interne de la planète, un des enjeux majeurs de la planétologie comparée, auquel est vouée la mission InSight (Interior Exploration using Seismic Investigations, Geodesy and Heat Transport) ; il s’agit de poser à la surface de la planète un sismomètre 1 de fabrication française, SEIS (Seismic Experience for Interior Structure). Le premier sismomètre destiné à étudier l’intérieur de Mars était l’instrument OPTIMISM, de la mission russe Mars 96 ; toutefois, la mission échoua lors du décollage à cause d’une défaillance du lanceur Proton et la sonde finit au fond du Pacifique ; la sismologie martienne fut ensuite retardée de plusieurs années, jusqu’à InSight.

InSight est la douzième mission du programme Discovery de la Nasa, c’est-à-dire une mission à relativement faible coût, dont le responsable scientifique est Bruce Banerdt du Jet Propulsion Laboratory (Californie) ; Philippe Lognonné de l’IPGP (Institut de physique du globe de Paris), déjà responsable de l’instrument OPTIMISM en 1996, est coordinateur du projet SEIS pour InSight.

C’est le 5 mai 2018 que le lancement a eu lieu depuis la Californie ; l’atterrissage d’InSight sur Mars six mois plus tard, le 26 novembre 2018, fut un grand succès. InSight s’est posée dans l’hémisphère nord de la planète, au voisinage de l’équateur et les instruments déployés sont prévus pour fonctionner pour une durée nominale (ou durée de fonctionnement espérée) d’un an. Il s’agit de mieux comprendre la formation et l’évolution de cette planète, analogue à la Terre lors de leur formation, pour en devenir si différente par la suite. Les données recueillies par les différents instruments permettront de déterminer la taille et l’état (solide ou liquide) du noyau, l’épaisseur de la croûte, la composition du manteau, le flux de chaleur interne. Outre les panneaux solaires, les caméras, les câbles d’alimentation, de pilotage et de réception des mesures, sans oublier l’antenne UHF destinée à la communication, trois instruments d’InSight se partageront le travail.

Sur cette image prise le 4 décembre 2018, on distingue InSight, au premier plan, devant les plaines d’Elysium Planitia, vaste étendue située au nord de l’équateur martien. Au premier plan, SEIS, protégé par un cache hexagonal en cuivre, au sommet duquel on distingue le gnomon qui va indiquer le nord martien. Le tout sera protégé par la cloche grise à l’arrière-plan, servant à isoler SEIS des vents et des échanges de chaleur. Sur la gauche HP3, et, au-dessus, l’extrémité du bras robotisé servant à manipuler les divers instruments. (© Nasa, JPL-Caltech)

Le sismomètre SEIS, d’une masse de 29,5 kg, est chargé de mesurer les infimes tremblements du sol martien, engendrés par l’activité interne de la planète ou les impacts des météorites, dont il faut évaluer la fréquence et l’intensité ; il est protégé du vent, des poussières et des variations brutales de température par une cloche de 69 cm de diamètre et 35 cm de hauteur. Les séismes détectés vont permettre de comprendre le sous-sol ; quant aux impacts météoritiques, plus violents que sur Terre puisque la pression atmosphérique est en moyenne 100 fois plus faible, les chercheurs espèrent en détecter jusqu’à 1000 km de distance de l’instrument, permettant des mesures locales pour estimer l’épaisseur de la croûte et retrouver ainsi des traces de l’histoire ancienne de Mars. Afin de traiter les données sismiques, il est nécessaire de déterminer l’orientation de l’instrument par rapport au nord géographique martien ; un goniomètre de construction française permet de connaître la position du Soleil localement, et par conséquent la position et l’orientation de la sonde à la surface ; la mesure se fait avant que le sismomètre soit mis sous sa capsule de protection.

Un autre instrument important à bord d’InSight est HP3, la « taupe » conçue par l’agence spatiale allemande DLR, qui est un thermomètre planétaire : un système de forage par paliers de 50 cm permet de mesurer la température du sous-sol au fur et à mesure que l’instrument s’enfonce, et ce jusqu’à 5 m de profondeur. HP3 mesure la chaleur qui s’échappe et l’augmentation de la température en profondeur, ce qui donne une estimation de la conductivité thermique des roches. Le flux de chaleur mesuré permet de connaître la vitesse de refroidissement de Mars.

Un magnétomètre enregistre également le champ magnétique local avec une grande précision. Enfin, le succès de la mission repose sur le bon fonctionnement du bras robotisé destiné à placer les instruments. Il va sans dire que le tout est d’une haute propreté bactériologique, puisqu’il s’agit de ne pas contaminer Mars avec des germes ou des bactéries terrestres.

Après un atterrissage réussi, les panneaux solaires ont été déployés afin de fournir l’énergie nécessaire aux différents instruments. Courant janvier 2019, SEIS a été installé avec succès, avant d’être recouvert de son bouclier de protection. Les mesures vont se poursuivre tout au long de l’année 2019.

Pour en savoir plus

Sites de la Nasa (mars.nasa.gov/insight/timeline/landing/entrydescent-landing/) et du Cnes (insight.cnes.fr/fr).

1 Un sismomètre est un capteur des mouvements du sol, qui se propagent sous forme d’ondes enregistrables.

Publié dans le n° 328 de la revue


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L' auteur

Janet Borg

est chercheuse à l’Institut d’astrophysique spatiale (Orsay) et rédactrice en chef de la revue L’Astronomie de la (...)

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