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Histoire de l’astronomie

Publié en ligne le 29 janvier 2020
Histoire de l’astronomie
Des premières observations à la conquête de l’espace
Marie-Christine de La Souchère
Ellipses Marketing, 2019, 148 pages, 16 €

Toutes les civilisations antiques nous ont légué des signes de leur intérêt pour les événements célestes. Nos lointains ancêtres s’y intéressaient habituellement pour des raisons religieuses, mais y ajoutaient souvent de véritables tentatives de déchiffrement du monde. Pour preuve, ces mystérieux « observatoires » en Europe (Newgrange, Stonehenge…) ; ces magnifiques cartes chinoises de Dunhuang (VIIe siècle avant notre ère) illustrant comètes et constellations ; ces tablettes babyloniennes décrivant la marche apparente des astres ; cette riche philosophie grecque… L’astronomie a été aussi l’axe autour duquel se développèrent nombre de sciences liées au progrès de l’humanité, comme l’établissement des calendriers des fêtes religieuses et des activités agricoles qui y sont associées, le repérage en mer pour la navigation, sans oublier son rôle dans les révolutions scientifiques conduites par Galilée, Newton et Einstein. Enfin, le ciel est la demeure de maintes divinités mythologiques et il reste celui du Dieu créateur des religions monothéistes. Ces croyances irriguent d’innombrables œuvres d’art, de poésie et d’architecture. On doit donc saluer toute initiative d’enrichir en la matière les connaissances du grand public.

Agrégée de physique, diplômée en astronomie, collaboratrice du mensuel La Recherche, auteure chez Ellipses de livres d’histoire sur le temps, sur les horloges, sur l’électricité, etc., Marie-Christine de La Souchère a les qualités requises pour accomplir ce qui semble une tâche incommensurable, si l’on se réfère à ce sous-titre : Des premières observations à la conquête de l’espace. S’agit-il donc pour elle de couvrir l’ensemble des connaissances humaines dans ce domaine en seulement 148 pages ? Ou simplement d’en donner un aperçu ? Elle a jugé utile d’avertir dans l’avant-propos : « Le présent ouvrage […] ne prétend pas à l’exhaustivité » (p. 3). Cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant. Celui qui s’est déjà frotté au même problème, sur un sujet apparenté 1 (quoique plus modeste dans le temps et dans l’espace) sait qu’il est humainement impossible de tout traiter, qu’on doit faire des choix – à condition de veiller à ce que les coupes n’entament pas la cohérence de la présentation.

Le livre se divise en douze chapitres, les six premiers nous conduisent jusqu’à Newton et au « triomphe de la mécanique céleste ». Les observations faites en Europe au néolithique, en Mésopotamie, en Chine, en terre d’islam sont bien résumées. Et les belles images des cartes chinoises, le Livre de soie et la Carte de Dunhuang, sont bienvenues. En revanche, concernant la Grèce antique, le choix de réduire Pythagore et Claude Ptolémée à la portion congrue complique la tâche. C’est en effet chez les Pythagoriciens qu’on trouve les prodromes des dogmes qui vont habiter la pensée philosophique jusqu’à Galilée, y compris dans le monde musulman, et non pas chez Platon et Aristote, comme indiqué (p. 19). C’est d’ailleurs cette idée de la perfection divine, formulée par Timée 2, qui est à l’origine des dogmes qui ont longtemps paralysé l’évolution de la science : le dogme du cercle et celui de la division de l’univers en monde céleste et monde sublunaire. Par ailleurs, le système géocentrique de Ptolémée mériterait quelques lignes supplémentaires. Cela faciliterait la compréhension de son complexe système d’épicycles, d’excentriques et d’équants : les encarts destinés à permettre au lecteur « d’aller plus loin » sur cette question sont trop concis.

Signalons par ailleurs une imprécision, malheureusement très répandue : il est dit (p. 29) que « l’extension de l’empire musulman […] à l’Egypte, à la Syrie et à d’autres territoires hellénisés avait procuré un accès direct aux principaux textes grecs ». Il aurait fallu mentionner également la conquête de l’empire perse, où s’étaient réfugiés notamment les chrétiens nestoriens persécutés dans l’empire byzantin au Ve siècle à cause de leurs conceptions jugées hérétiques. Ils y avaient apporté de nombreux manuscrits grecs, déjà traduits en syriaque, qu’ils ont par la suite traduits en pehlevi puis en arabe. Les chrétiens d’Orient sont ainsi à l’origine d’une grande partie des connaissances qui ont alimenté la culture scientifique et philosophique de l’empire arabo-musulman.

La deuxième partie du livre est très bien menée. Elle est consacrée au développement de l’astronomie par le biais de l’observation (ce qui correspond d’ailleurs à son sous-titre). On y voit cette science avancer à pas de géants depuis la lunette de Galilée jusqu’au télescope spatial Hubble et de ses successeurs. M.-C. de La Souchère illustre ces chapitres de belles images, sans oublier de décrire de manière captivante la naissance de l’astrophysique, des grands observatoires, de la radioastronomie, de la conquête de l’espace…

En outre, chaque question abordée comporte une bibliographie succincte, en sus d’une plus générale en fin d’ouvrage. Enfin, on ne trouve dans ce livre aucun index, ce qui est parfaitement regrettable dans un ouvrage qui aborde tant de sujets. Il ne s’agit pas de manque de place, l’éditeur aurait pu les ajouter sans difficultés : en effet, les dix dernières pages sont blanches !

Ce livre s’adresse, d’après son auteure, « à toute personne désireuse de se forger ou de compléter une culture scientifique dans un domaine toujours d’actualité, et ce quelle que soit sa formation de base. Il n’est nullement nécessaire de posséder un grand bagage scientifique pour comprendre les rudiments de l’astronomie. Les notions-clés sont ici introduites progressivement, sans recourir au formalisme mathématique. » Tout cela est vrai, mais pour bien en profiter, il vaut mieux posséder quelques notions de base.

1 Fontaine J, Simaan A, L’image du monde - Des babyloniens à Newton, Vuibert, 2010, 256 p. Voir la note de lecture (ndlr).

2 Timée, philosophe pythagoricien, dans un dialogue de Platon qui porte son nom, justifie par des raisons purement mystiques liées à la perfection divine, la rotondité de la Terre et les mouvements circulaires uniformes des astres.


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Publié dans le n° 332 de la revue


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Auteur de la note

Arkan Simaan

Agrégé de physique, historien des sciences et (...)

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