Factfulness
Publié en ligne le 15 octobre 2019Penser clairement, ça s’apprend
Hans Rosling avec Ola Rosling et Anna Rosling-Rönnlund,
préface de Dominique Seux
Flammarion, 2019, 395 pages, 23,90 €
Les trains qui arrivent à l’heure n’intéressent personne. La faible pertinence des informations positives représente un lourd handicap sur l’impitoyable marché de l’attention où les informations négatives abondent et biaisent nos représentations du réel. Par exemple, nous avons tendance à largement surestimer l’ampleur de l’extrême pauvreté, de la mortalité infantile ou encore de la délinquance. Dans un livre accessible et brillamment illustré, Hans Rosling, médecin et conseiller pour l’organisation mondiale de la santé, réussit un véritable tour de force : corriger nos représentations du monde et nous donner des outils pour affûter notre esprit critique, le tout avec une pédagogie irréprochable.
Les nombreux sondages sur nos représentations de l’état du monde révèlent un fait surprenant : nous nous représentons le monde tel qu’il était en 1965. Ces connaissances désuètes se retrouvent jusque dans les manuels scolaires où la fausse dichotomie entre « pays en voie de développement » et « pays développés » est monnaie courante. La majorité de la population mondiale (5 milliards d’individus) vit avec un revenu compris entre 2 $ et 32 $ par jour, seulement un milliard d’entre nous se situent en-dessous de ce seuil et un autre milliard au-dessus. Aussi surprenant que cela puisse paraître, entre 1970 et 2015, le taux mondial d’extrême pauvreté (à parité de pouvoir d’achat) est passé de 60 % à 10 %, la mortalité infantile de 20 % à 4 % et la scolarisation des filles à l’école primaire de 65 % à 90 %.
Le livre traite également de nos représentations du risque, on y apprend que les objets de nos peurs ne sont pas toujours rationnels. Nous surestimons largement le danger que constituent les catastrophes naturelles (0,1 % de tous les décès), les accidents d’avions (0,001 %), les attaques terroristes (0,05 %) ou encore les fuites nucléaires (aux alentours de 0 %), au détriment de menaces réelles telles que le changement climatique, les pandémies d’envergure mondiale (par exemple, au Moyen Âge, la peste noire tua près de la moitié de la population européenne) ou un possible effondrement financier. Par ailleurs, selon l’auteur, la crainte de la surpopulation est infondée. Malthus avait tort. La population mondiale ne se stabiliserait pas en raison d’une pénurie de ressources mais bien en raison de leur abondance. C’est le phénomène de transition démographique par lequel la plupart des pays du globe sont déjà passés : l’amélioration des conditions de vie entraîne une diminution du taux de mortalité et du taux de natalité. Par exemple, en Inde et au Bangladesh, les taux de fécondité sont respectivement de 2,33 et 2,1. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les facteurs culturels tels que la religion ou la politique de l’enfant unique en Chine n’ont qu’un rôle négligeable sur les taux de natalité, et toujours selon l’auteur qui s’appuie sur les prédictions de l’ONU, en 2100, 5 milliards d’humains habiteraient en Asie et 4 milliards en Afrique, la population mondiale se stabiliserait au même moment aux alentours de 11 milliards.
Néanmoins, Hans Rosling nous met en garde : le fait que la condition humaine s’améliore n’implique aucunement qu’il faut diminuer nos efforts pour l’améliorer. Au contraire, ces statistiques qui invitent à l’optimisme se doivent de nous motiver à prendre soin de notre planète et à améliorer le sort des plus démunis, car le progrès est possible et la marge de progression reste importante ! Ce livre incontournable et d’utilité publique devrait être lu par le plus grand nombre.