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Chronique d’une espèce disparue

Publié en ligne le 29 novembre 2024
Chronique d’une espèce disparue
Le quagga et l’hérédité
Camille Roux-Goupille
humenSciences, 233 pages, 2024, 20 €

Le quagga, sous-espèce de zèbre vivant en Afrique du Sud au XVIIIe siècle, a disparu en 1883 du fait de l’action humaine. Dans ce livre, Camille Roux-Goupille, biologiste moléculaire, nous retrace ce que l’étude de cet animal a apporté à la connaissance de la transmission des caractéristiques héréditaires d’une espèce. Au cours de quatre chapitres extrêmement détaillés, l’auteur nous décrit principalement les réflexions de George Douglas (1761-1827), comte de Morton, membre de la Royal Society et propriétaire d’un quagga. Ne disposant pas de quagga femelle, il le croise avec une jument alezane. Après l’observation de la descendance de la pouliche obtenue, il propose la théorie de la télégonie ou imprégnation maternelle qui veut que le premier mâle qui féconde une femelle laisse en elle une marque qui se transmet à la descendance : « Les œufs de la femelle sont atteints dans l’ovaire avant d’être mûrs et en quelque sorte gâtés dès ce moment. » 1 Les débats autour de la télégonie auxquels Darwin a participé sont longuement décrits. Cette partie de l’ouvrage explicitant cette théorie et ses réfutations est dense et perd parfois le lecteur, mais elle illustre l’avancée semée d’embûches de la connaissance scientifique.

La théorie de l’imprégnation maternelle est progressivement abandonnée et, à partir du début du XXe siècle, ce drôle de zèbre n’est plus l’objet de recherches. Quelques exemplaires empaillés vont lui permettre de faire son retour dans l’histoire des sciences. Reinhold Rau (1932-2006), un taxidermiste allemand ayant reconstitué un quagga empaillé, propose des échantillons de peau pour établir la séquence de son ADN. Le chapitre « Réapparition du quagga » décrit l’historique et la problématique des travaux de recherche qui donneront naissance à la paléogénétique 2 (science qui récupère et analyse l’ADN ancien). Cette avancée permettra la mise en œuvre du « Quagga Project » dont le but ultime est de recréer cette espèce et de la réintroduire en Afrique du Sud 3. En guise de conclusion, le dernier chapitre résume utilement le parcours scientifique original de cette espèce disparue, depuis la télégonie jusqu’à la paléogénétique.

Avec cet ouvrage, C. Roux-Goupille nous entraîne dans le labyrinthe de la construction des connaissances scientifiques sur la transmission des caractères héréditaires. Les notions scientifiques abordées ne sont pas trop complexes pour un lecteur novice, mais les nombreux détails et descriptions nuisent parfois à la compréhension du propos.

2 Sur ce sujet, voir le webinaire de l’Afis : L’ADN des fossiles : Une machine à remonter le temps, conférence donnée par Ludovic Orlando, Directeur de Recherches au CNRS, Directeur du Centre d’Anthropobiologie et de Génomique de Toulouse. https://www.youtube.com/watch?v=6x1-cH8chMw