Dossier • Homéopathie
« Ça marche » par effet placebo ?
Publié en ligne le 9 mai 2018 - Homéopathie -Les partisans de l’homéopathie rétorquent souvent aux sceptiques : « si ça marchait par effet placebo, comment expliquer que ça marche chez l’animal qui n’est pas sensible à l’effet placebo ? Ou chez le nourrisson ? ». Roselyne Bachelot, ancienne ministre de la santé reprend cet argument : « J’ai soigné mon chien à l’homéopathie. Alors là, l’effet placebo est assez limité » [1]. Cette formulation « ça marche par effet placebo » est en réalité ambiguë.
L’homéopathie ne « marche » pas au sens d’un effet spécifique, c’est-à-dire d’un effet propre lié au contenu des granules avalés. Ce que les évaluations disent, c’est que l’homéopathie, dans toutes les expériences menées, ne se distingue pas d’un placebo. Mais dans de très nombreuses situations, le placebo ne « marche » tout simplement pas. Et il représente alors une perte de chance s’il est utilisé seul. Il semble en réalité préférable de parler non pas d’un effet placebo, mais d’un « effet contextuel » qui intègre plusieurs paramètres, dont en particulier la relation médecin/patient [2]. Et l’utilisation d’un objet physique en support (par exemple un granule homéopathique) n’est pas nécessaire pour l’obtenir.
Pour en revenir aux animaux (ou aux nourrissons) : seraient-ils vraiment insensibles à l’effet de contexte ? Certainement pas. Les nourrissons perçoivent les peurs éventuelles des parents, ou, au contraire, leur réassurance. Rien ne dit que les animaux de compagnie ne sont pas sensibles à l’état émotionnel de leurs maîtres [3]. Et les raisons qui peuvent faire croire, à tort, à une efficacité de l’homéopathie ne se limitent pas à l’effet placebo. Ainsi, par exemple, l’évolution normale de la maladie peut conduire à attribuer à tort au traitement une guérison qui est en fait tout à fait naturelle.
Restent deux problèmes, et de taille, pour les partisans de l’homéopathie vétérinaire. Le traitement homéopathique se doit d’être strictement personnalisé sur la base d’un entretien. Il doit prendre en compte la « constitution » et le « tempérament » du patient, son passé. Comment le faire auprès d’un animal ? Par ailleurs, comment les indications alléguées d’un médicament homéopathique peuvent-elles être transposées chez l’animal (voir encadré) ?
Il n’est pas nécessaire d’être très calé en biologie pour comprendre que le métabolisme d’un chat diffère sur bien des points de celui d’un bovidé, et que leurs organismes ne réagissent pas de la même façon à bien des substances, sans parler des doses. […] Quand un individu sain humain est à la fois expérimentateur et sujet d’expérience, soulignent Le Bars et Brugère 2, les symptômes qu’il rapporte présentent un luxe de descriptions qualitatives et subjectives résultant d’un travail d’introspection : « Par comparaison, les symptômes qu’un vétérinaire peut noter, même au cours d’un interrogatoire poussé avec un propriétaire connaissant bien son animal, sont beaucoup plus frustes. » Va-t-on demander à un éleveur si son cochon éprouve « un désir de sucreries » ou si son cheval a tendance à vomir (les chevaux ne vomissent pas) ?
1 | Nau JY, « Homéopathie : Roselyne Bachelot, ex-ministre de la Santé, a soigné son chien avec succès », 19 mars 2018.
2 | Brissonnet J, « Placebo, es-tu là ? », SPS n° 294, janvier 2011.
3 | Taylor N, « L’homéopathie en médecine vétérinaire », SPS n° 274, octobre 2006.
Publié dans le n° 324 de la revue
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L' auteur
Jean-Paul Krivine
Rédacteur en chef de la revue Science et pseudo-sciences (depuis 2001). Président de l’Afis en 2019 et 2020. (…)
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L’homéopathie est une pratique thérapeutique non validée reposant sur quatre principes : la similitude, la dilution, la dynamisation et la personnalisation.
Voir aussi les thèmes médecines alternatives, acupuncture, effet placebo.