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André Aurengo (1949-2024)

Publié en ligne le 13 mai 2024 - AFIS -

Hommage de l’Association française pour l’information scientifique

André Aurengo nous a quittés le 6 mai 2024 à l’âge de 75 ans. Ingénieur de l’École polytechnique, docteur en médecine et docteur ès sciences physiques, André Aurengo a dirigé pendant vingt-cinq ans le service de médecine nucléaire du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière. Il était membre de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie des technologies.

André Aurengo a rejoint le comité de parrainage de l’Afis en 2009. Il a rédigé une dizaine d’articles pour la revue Science et pseudo-sciences.

Nous garderons le souvenir de sa gentillesse et de sa bienveillance.

Ses interventions dans l’espace public, toujours marquées par le sceau de la rigueur, de l’intégrité et de la pédagogie, ont porté sur de nombreux thèmes relatifs aux impacts sanitaires des ondes électromagnétiques : téléphonie mobile, lignes à haute tension et rayonnements ionisants (radioactivité) dont il était un spécialiste reconnu. Ceci lui a valu des campagnes de dénigrement mensongères, complaisamment relayées par certains médias. André Aurengo était un médecin impliqué. Il avait accueilli dans son service, en lien avec l’association caritative « Les Enfants de Tchernobyl », des enfants ukrainiens atteints de cancers de la thyroïde suite à l’accident de la centrale de Tchernobyl [1].

Convaincu de l’importance de la science dans le développement de la société, il précisait alors bien le rôle du scientifique : celui-ci « doit tout d’abord avoir une estimation réaliste de ses domaines de compétences et se convaincre qu’en dehors de ce champ, son opinion n’a pas plus de valeur que celle de n’importe qui ». Il soulignait l’importance de « citer ses sources et se fonder sur des expertises collectives institutionnelles ». Conscient que la science ne peut dicter la décision politique, il regrettait cependant le manque d’explications quand ces dernières font fi des évaluations scientifiques et déplorait « une tendance à prendre des décisions politiques démagogiques sans fondement, en essayant de les faire endosser aux scientifiques ». Il concluait son propos en ces termes : « comme la science sans conscience, la politique sans courage n’est que ruine de l’âme  » [2].

André Aurengo dénonçait ainsi la fabrication de certaines « crises sanitaires » ne reposant en réalité sur aucun fondement solide. Il en décrivait la « recette » sans cesse répétée : (1) « commencez par attaquer l’expertise institutionnelle […] en choisissant des études épidémiologiques volontairement surinterprétés » ; (2) « choisissez des rapports biaisés […] afin d’accréditer l’idée d’un débat scientifique dont les enjeux sanitaires sont particulièrement graves, touchant de préférence une partie de la population à forte composante émotionnelle, comme les enfants » ; (3) « présentez ce débat comme une controverse scientifique, en expliquant que l’expertise institutionnelle tente d’étouffer l’affaire et pronostiquez une crise sanitaire majeure »  ; (4) « exigez de la science la démonstration qu’il n’y a aucun risque et la démonstration que l’on ne pourra en découvrir dans le futur » ; (5) « Cette démonstration n’étant évidemment pas apportée, exigez une application dévoyée du principe de précaution, sous sa forme intégriste et extrémiste […], au besoin, demandez l’aide de la justice ». Et illustrait son propos sur la vaccination ou sur les impacts des antennes-relais [3].

André Aurengo le soulignait : il y a tellement de maladies graves et horribles qui méritent tous nos efforts qu’il ne faut pas se laisser guider par les campagnes de peur.

Nous adressons toutes nos condoléances à Helyett, son épouse, et à ses enfants et petits-enfants.

Conseil d’administration de l’Afis (13 mai 2024)
Références


1 | Entretien avec André Aurengo, in « Le Risque nucléaire et radiations ionisantes », L’internat de Paris n°47, 2006.
2 | Aurengo A, « Antennes-relais : les élus locaux face à l’inquiétude des administrés », entretien, Science et pseudo-sciences, janvier 2012.
https://www.afis.org/Antennes-relais-les-elus-locaux-face-a-l-inquietude-des-administres
3 | [3] Aurengo A, « Comment on fabrique une crise sanitaire », Bulletin de l’Académie Vétérinaire de France, 2010 163-2.

Éloge d’un sage : André Aurengo

André Aurengo , membre de l’Académie de médecine et de l’Académie des technologies, vient de nous quitter à 75 ans après une longue et cruelle maladie qui l’avait progressivement réduit au silence. De nombreuses personnes de l’Association française pour l’information scientifique (Afis) l’ont connu et ont pu apprécier à la fois sa compétence, son intégrité et sa gentillesse. Ses articles dans la revue Science et pseudo-sciences sur les effets sanitaires de la radioactivité et des ondes électromagnétiques et sur l’épidémiologie portaient inlassablement la parole de la science face à tous les obscurantismes. Polytechnicien, médecin, disciple du grand Maurice Tubiana, il a enseigné la médecine nucléaire à la Pitié-Salpêtrière. Enseignant remarquable, il a écrit le livre de référence sur la biophysique pour les médecins. Médecin dévoué, il a soigné des centaines d’enfants ukrainiens pour les cancers de la tyroïde résultants de l’accident de Tchernobyl.

Scientifique et citoyen intègre, il a toujours défendu ce que la science disait, au mépris de ce que les médias voulaient entendre, s’opposant souvent à la CRIIRAD et à la CRIIREM qui osaient accuser sans vergogne cet homme compétent et intègre de conflits d’intérêt, relayés en cela par une meute de journalistes sans principe ni savoir. Il en avait été peiné comme d’une criante injustice, mais cela ne l’avait pas découragé de dénoncer encore et toujours le mensonge et la désinformation.

Une cruelle maladie nous a privé ces dernières années de son intelligence aigüe des problèmes et de son courage à dire clairement ce qui doit être dit, fut-ce à contre-courant. Il partageait les valeurs et l’engagement de l’Afis et a été membre de son comité de parrainage.

Il ne risque pas d’avoir un de ces « tweets » de condoléances et d’éloges que l’on réserve aujourd’hui aux amuseurs publics, ni une chronique dans le quotidien du soir, il ne respirait pas le même air. Il a quitté ce monde qui lui ressemblait si peu, entouré des siens dans sa maison de Bretagne. Sa mort nous prive de sa parole toujours claire et juste, de son sourire bienveillant pour tous et de sa parole critique implacable du mensonge. Mais sa mémoire restera chez ceux qui ont à cœur le bien du pays et la défense des valeurs des lumières. Pour certains d’entre nous il était un ami, pour tous il peut être un modèle.

Yves Bréchet, membre de l’Académie des sciences, ancien Haut-Commissaire à l’Énergie Atomique
(et membre du comité de parrainage de l’Afis)

Publié dans le n° 349 de la revue


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