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Alimentation, nutrition et cancer : quelques idées fausses et stéréotypes

Publié en ligne le 13 décembre 2008 - Alimentation -


Le PNNS, Programme National Nutrition-Santé lancé en 2001, se fixe l’objectif d’améliorer l’état de santé de la population en agissant sur le déterminant nutrition. Une des stratégies retenues porte sur la validité de l’information scientifique délivrée aux médecins et aux professionnels de la santé. C’est dans ce cadre que le rapport « Alimentation, nutrition et cancer » a été rédigé. Ce rapport de 55 pages fait le point sur les liens entre alimentation et cancer. Une première partie décrit les certitudes scientifiques aboutissant à des recommandations alimentaires et nutritionnelles de Santé Publique pour la prévention des cancers. Une seconde partie expose les hypothèses alimentaires et nutritionnelles faisant l’objet de débats scientifiques.

Mais un court chapitre intitulé « Quelques idées fausses et stéréotypes » revient sur des allégations largement invalidées sur le plan scientifique, mais qui persistent et reviennent régulièrement au devant de la scène, souvent médiatique. C’est ce court chapitre que nous reproduisons ici.

Le rapport « Alimentation, nutrition et cancer » a été rédigé par Ioana Quintin, Katia Castetbon, Louise Mennen et Serge Hercberg de l’Unité de surveillance et d’épidémiologie nutritionnelle (USEN), InVS – Istna/Cnam. Il est disponible sur sante.gouv.fr (disponible sur archive.org—10 Oct. 2019).

Le four à micro-ondes donne le cancer…

Aucun élément actuellement disponible n’indique un risque lié à l’utilisation du four à micro-ondes (à la différence des cuissons drastiques mal contrôlées 1).

Le lait et les produits laitiers donnent le cancer…

Cette idée fausse véhiculée par quelques gourous pseudo-scientifiques est particulièrement importante à battre en brèche, compte tenu du fait qu’elle peut amener certains consommateurs à abandonner la prise de ces sources majeures de calcium, nutriment essentiel intervenant, entre autres, dans la minéralisation osseuse. On ne peut en aucun cas mettre en accusation le lait et les produits laitiers en terme de risque de cancer. À l’inverse, on recommande de consommer trois produits laitiers par jour !

Les additifs donnent le cancer…

Depuis plus de 30 ans, circule en France, la « liste de Villejuif » censée dénoncer l’emploi d’additifs « cancérogènes ». Or, tous les additifs font l’objet d’une réglementation très stricte et de contrôles réguliers : ils ne sont pas cancérogènes ni toxiques dans les conditions d’utilisation spécifiées pour les différentes catégories d’aliments.

Les édulcorants donnent le cancer…

À l’heure actuelle, aucun élément scientifique ne peut justifier cette idée. Les premières molécules mises sur le marché, notamment la saccharine, avaient fait l’objet, dans les années 1950, de réserves. Des travaux expérimentaux sur modèle animal avaient suggéré un effet cancérogène potentiel à très forte dose. Cependant, d’autres substances sont utilisées aujourd’hui (et depuis de longues années), qui ne présentent aucun danger en termes de risque de cancer.

Les suppléments en oligo-éléments et en vitamines protègent du cancer…

Aucun argument scientifique ne permet de justifier la prise de suppléments nutritionnels. Manquer de vitamines et d’oligo-éléments peut avoir des conséquences défavorables pour la santé, ce qui pousse à recommander à chercher dans le comportement et les choix alimentaires tous les moyens pour couvrir les besoins en ces micronutriments. Consommer des aliments (notamment des fruits et légumes) riches, entre autres, en antioxydants, est un moyen de réduire le risque de certains cancers. En revanche, il n’existe aucun argument scientifiquement démontré pour recommander la prise de suppléments vitaminiques ou minéraux quels qu’ils soient pour se protéger des cancers. Il faut même être prudent sur la prise, au long cours, de fortes doses de suppléments (surtout chez les fumeurs et les sujets à risque).

Les fruits et légumes donnent le cancer à cause des pesticides

Aucune étude épidémiologique n’a montré un tel effet délétère. Il existe suffisamment de preuves qui permettent de conclure que les fruits et légumes protègent du cancer dans des proportions importantes. Ce bénéfice a été observé dans de très nombreuses études, sans qu’aucune ne montre d’effets négatifs et ceci, alors que cela aurait pu conduire à ingérer des pesticides présents sur leur peau. Effectivement, l’exposition à de fortes doses de pesticides a des effets néfastes sur les systèmes endocrines. Cependant, les effets bénéfiques d’autres constituants dans les fruits et légumes sont tellement importants, qu’ils annulent les effets éventuellement délétères de quantités très faibles de pesticides. De surcroît, la contamination de notre alimentation par les pesticides est aujourd’hui tout à fait rare, en raison notamment d’une réglementation stricte et de contrôles réguliers et du lavage des produits de la maison.

Le vin rouge protège du cancer…

Pas du tout, au contraire ! Aucune boisson alcoolisée (même le vin) n’a d’effet protecteur vis-à-vis du cancer. Toutes sont des facteurs de risque importants. Rappelons-le, dans le domaine du cancer, la consommation d’alcool n’est, dans tous les cas, jamais recommandée.

Les produits issus de l’agriculture biologique protègent du cancer…

Il n’existe aucun argument laissant penser que les produits « bio » protègeraient du cancer. En terme de santé, tous les produits alimentaires répondent aux mêmes exigences réglementaires. Les produits « bio » sont différents des produits habituels en raison de leur mode de production avec, par exemple, un usage restreint de produits phytosanitaires. Outre le fait que dans l’agriculture traditionnelle, les pesticides de synthèse contaminent rarement (et très faiblement) notre alimentation, l’innocuité des pesticides naturels autorisés en agriculture biologique n’a pas toujours été démontrée. Par ailleurs, les produits « bio » ne sont pas, en terme de qualité nutritionnelle (apports en macro ou micronutriments), meilleurs que les produits issus de procédés de production classique, lorsque celle-ci respecte par exemple les critères de mise à disposition de produits arrivés à maturation. Le choix des aliments dans une visée de prévention de la survenue des cancers devrait donc se faire selon les mêmes critères que ceux utilisés pour les produits habituels : en favorisant ceux ayant des effets protecteurs et en limitant la consommation des aliments ayant des effets délétères.

Rien n’est poison, tout est poison : seule la dose fait le poison

La question des doses admissibles et des seuils réglementaires est difficilement comprise du grand public. La moindre trace d’un produit est parfois perçue comme synonyme de risque d’intoxication, même si l’on est loin des seuils réglementaires. Le léger dépassement d’un seuil à un moment donné fait parfois craindre l’empoisonnement. « Rien n’est poison, tout est poison : seule la dose fait le poison » énonçait déjà Paracelse au XVe siècle. On a parfois tendance à l’oublier. Il n’est pas de produit qui, à très haute dose, ne présente pas des dangers pour l’homme. A l’inverse, l’absence totale de certains nutriments peut conduire à de graves carences tout aussi dangereuses pour la santé.


1 Plusieurs études épidémiologiques indiquent une association positive entre la consommation des aliments préparés par des méthodes de cuisson à haute température (grillade, barbecue, friture...), en particulier des viandes et poissons, et les cancers de l’estomac, du côlon et du rectum. Ces résultats restent cependant controversés, en particulier pour ce qui concerne l’association entre la consommation de fritures et le cancer de l’estomac (page 24 du même rapport).