Quand il manque quelque chose

Savoir boucher les trous

La perception est un processus de construction qui assemble les différentes entrées sensorielles pour en donner un sens. Quand on entend une musique, les oreilles captent des ondes sonores qui sont analysées pour reconnaître un rythme, des notes, des phrases musicales, etc. Notre système auditif est alors capable d’identifier le morceau ou la chanson s’ils sont connus.

De la même manière, lorsqu’on voit un objet, le système visuel construit une signification à partir de données sensorielles et de ce que notre mémoire connaît. Ce processus de construction fonctionne également très bien quand une partie des informations est masquée. Il est fréquent qu’un objet soit vu seulement en partie et sous un angle particulier. Pourtant le cerveau est en mesure d’identifier un arbre ou une lampe alors que les yeux n’en perçoivent qu’une fraction.

Le processus de construction perceptive est ainsi largement piloté par les connaissances que notre cerveau possède déjà et qui viennent donner du sens à des informations sensorielles. L’illusion du triangle de Kanizsa illustre bien ce phénomène d’influence des connaissances sur la perception. On « voit » un triangle blanc alors que les côtés du triangle ne sont pas tracés (sauf les sommets).

Les erreurs d’interprétation

La perception est très fortement influencée par les connaissances existantes et cette influence permet de donner un sens à ce que l’on perçoit de manière quasi instantanée sans avoir à réfléchir. On peut difficilement s’empêcher de chercher à donner du sens aux signaux sensoriels.

Cette quête de sens peut cependant conduire à des interprétations très personnelles au fil de notre imagination, comme dans le phénomène de paréidolie qui consiste à reconnaître des formes familières dans des nuages, de la fumée ou d’autres paysages. Elle peut aussi conduire à des erreurs d’interprétation si les informations sensorielles ne sont pas suffisantes ou si la connaissance plaquée sur les stimuli perceptifs n’est pas la bonne. C’est aussi bien souvent par ce phénomène que les magiciens parviennent si facilement à nous illusionner.

Quand notre mémoire ou une information extérieure nous oriente vers une mauvaise interprétation, on peut alors croire entendre des mots connus dans une musique (illusion auditive) ou lire des mots qui ne sont pas les bons (voir l’expérience) ou encore ressentir une douleur par simple suggestion (effet nocebo ¹).

Comme de nombreux processus cognitifs, l’interprétation rapide des stimuli perceptifs est généralement très efficace et indispensable pour percevoir le monde mais elle peut avoir ses limites qu’il est bon de connaître pour ne pas se laisser tromper par ses propres sens.