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Mort in vitro

Publié en ligne le 16 juillet 2004
Mort in vitro

Martin Winckler
Fleuve noir/Mutualité Française, 2003. 191 pages, 15 €

« Le docteur Gravelet [...] prescrit une flopée de médicaments inutiles à ses patients les plus âgés et multiplie les techniques “parallèles”, de l’acupuncture à la mésothérapie en passant par les manipulations vertébrales, sans aucune rigueur. »
Extrait, page 119.

La caution de la Mutualité Française

Pour sa seconde incursion dans le roman policier 1, Martin Winckler 2, médecin, écrivain, critique, chroniqueur radio, nous dresse un panorama inquiétant de notre système de soins, histoire d’en dénoncer les lacunes. Il inaugure ainsi l’ouverture d’une nouvelle série chez Fleuve noir, le Polar Santé, co-édité avec la Mutualité Française.

Traitements de choc

Marquons ensemble quatre pauses essentielles dans ce roman moderne, rythmé, pimenté de suspense.

Arrêt sur image 1 : découpage, dépeçage et éventration d’un cadavre par un médecin légiste. Précision chirurgicale, froideur et frissons vous font entrer dans le vif du sujet.

Arrêt sur image 2 : devant des caméras avides, sur un plateau TV et sous les applaudissements, quelques femmes éplorées livrent leur intimité avec leur désir d’enfant. Une mise en scène étudiée, ostensiblement ancrée dans l’émotion paroxystique, mais cautionnée par la présence de médecins, parvient à les faire adhérer à la doctrine aliénante du « Un enfant avant tout ». Au prix de toute pensée personnelle, et même de leur vie...

Arrêt sur image 3 : un expert en pharmacologie, chargé d’examiner, en principe en dehors de tout contexte économique, la mise sur le marché de médicaments sortis des laboratoires, en est la cible et subit leur pression.

Arrêt sur image 4 : un visiteur médical patiente sagement dans une salle d’attente de médecin. Il a, dans sa sacoche, des consignes des laboratoires, de la publicité, des détournements d’analyses, au mieux des non-dits. Le médecin, sous-informé, n’y verra que du feu.

Intrigue au cœur de la procréation médicalement assistée

Hormis ces quatre traitements de choc, aspects médicaux de l’histoire, et qui contiennent aussi les messages de l’auteur, une intrigue se noue à partir d’un meurtre initial.

L’enquête, menée par un médecin et un juge, sur la mort mystérieuse de plusieurs jeunes femmes enceintes, en constitue le ressort dramatique et tisse les liens entre ces quatre arrêts sur images. Leurs investigations vous feront parcourir les milieux troubles de la procréation médicalement assistée, ses conflits d’intérêts et ses réseaux économiques enchevêtrés qui étouffent l’humain.

En utilisant la fiction et le genre populaire du policier, Martin Winckler espère toucher le public non initié et lui révéler les manœuvres dont sa santé fait l’objet.

Martin Winckler met son talent de narrateur au service de la dénonciation et de la clarification. Dynamique, sobre, percutant, son style est celui des grands maîtres du polar. À lire d’un trait.

1 Touche pas à mes deux seins, Le Poulpe, Baleine 2001.

2 Martin Winckler a été lauréat du prix du Livre Inter avec La maladie de Sachs, POL, 1998