Maladie de Lyme (prolongations, juillet 2018)
Publié en ligne le 17 février 2019 - Santé et médicament -La maladie de Lyme fait l’objet d’une forte médiatisation. Elle est présentée comme objet d’une controverse scientifique alors qu’en fait, le consensus sur sa réalité et sa prise en charge est très fort (voir notre dossier sur le sujet [1]). Une étude portant sur 109 patients ayant consulté durant l’année 2017 dans le service spécialisé d’un hôpital parisien pour suspicion de maladie de Lyme a trouvé que 93 d’entre eux (86 %) n’avaient pas de Lyme, 8 (7 %) avaient un Lyme certain et 8 autres (7 %) un Lyme possible. Pour la plupart des patients où Lyme a été écarté, d’autres causes ont pu être trouvées : « psychologiques (syndrome de stress post-traumatique, syndrome d’épuisement professionnel, harcèlement moral ou sexuel, dépression masquée) chez 26 %, neurologiques (SEP [Sclérose en plaques], SLA [Sclérose latérale amyotrophique ou maladie de Charcot]…) chez 20 %, rhumatologiques (arthrose, scoliose…) chez 16 %, et diverses chez 27 % » [2]. Une autre étude s’est intéressée à la couverture médiatique du sujet. L’analyse d’un corpus composé de 135 articles issus de 21 journaux de la presse française généraliste et spécialisée, ainsi que de 64 vidéos provenant des chaînes généralistes montre un traitement biaisé dans lequel les recommandations issues du consensus scientifique sont nettement sous-représentées [3].
Sous la responsabilité de la Haute autorité de santé (HAS), une mise à jour du protocole national de diagnostic et de soins vient d’être publiée. Elle a été alimentée par un groupe de travail très controversé mettant sur un pied d’égalité des représentants d’institutions scientifiques, de sociétés savantes et d’associations faisant la promotion de traitements à l’efficacité jamais démontrée [4]. S’adressant à la présidente de la HAS, une dizaine de sociétés savantes ont réagi à une première version du texte qui leur été soumis pour avis en refusant de l’avaliser. Elles s’inquiétaient d’une rédaction « qui risque de transmettre des messages moins clairs que ceux de la conférence de consensus française de 2006 ou des recommandations plus récentes provenant d’autres pays (Allemagne, Royaume-Uni, Suisse, Belgique, etc.) » et invitent à poursuivre la réflexion en auditionnant « des experts internationaux, en particulier allemands, hollandais ou anglais, qui ont eux-mêmes rédigé leurs recommandations nationales et européennes ». La Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), le principal partenaire scientifique de la HAS dans le processus d’élaboration, a décidé de ne pas valider la version finale qui vient d’être publiée. Dans une tribune [5], les Pr Marc Gentilini (président honoraire de l’Académie de médecine et François Bricaire (membre de l’Académie de médecine) estiment de « [leur] devoir de combattre au nom de la vérité scientifique et surtout de l’intérêt des patients la “Lyme-mania” qui s’est emparée d’une partie de nos concitoyens victimes d’une étrange campagne de désinformation en provenance des États-Unis d’Amérique ». Ils se refusent à « mettre en balance les recommandations validées par la communauté scientifique internationale et les déclarations d’un gourou, même prix Nobel » et s’insurgent contre les accusations de négationnisme portées à l’encontre des « praticiens qui exercent leur métier : soigner et informer les patients à partir des données acquises de la science ».
[1] « Maladie de Lyme : et si le scandale était ailleurs ? », dossier de SPS n° 321, juillet 2017. Sur afis.org
[2] Chabane K, Caumes E, « Consultations pour maladie de Lyme supposée : des étiologies très diverses mais pas beaucoup de maladie de Lyme », Médecine et Maladies Infectieuses, 2018, 48 :S14 (supplément).
[3] Pascal C et al., « Analyse de l’émergence de la maladie de Lyme comme problème public de santé dans les médias », Médecine et Maladies Infectieuses, 2018, 48 :S14-15 (supplément).
[4] « Maladie de Lyme : la science sera-t-elle sacrifiée sur l’autel de la démagogie ? », communiqué de l’Afis, 13 avril 2018.
[5] Gentilini M, Bricaire F, « Pourquoi cet intérêt soudain pour la maladie de Lyme ? », Le Figaro, 8 juin 2018.