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Les scientifiques et les droits de l’Homme

Publié en ligne le 26 mai 2005
Les scientifiques et les droits de l’Homme

Sous la direction de Lydie Koch-Miramond et Gérard Toulouse
Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2003, 290 pages, 18 €

Cet ouvrage, issu d’un colloque de 33 intervenants, laisse une impression mitigée. Séduisant par une perspective de remises en question, prometteur de débats brûlants, il se révèle pourtant être, en partie, une collection de doléances de la part des scientifiques, souvent centrés sur eux-mêmes.

Ne soyons pas trop sévères toutefois, car la dernière partie du livre plonge au cœur de la problématique moderne : comment la science, si puissante, peut-elle exercer son pouvoir dans un sens éthique ?

Sur les deux tiers du volume, la première partie aborde des thèmes hors sujet, comme ce regret que, parmi toutes les sciences, les mathématiques soient les grandes laissées pour compte en Afrique. Ou comme la dénonciation de la dictature tunisienne qui s’exerce sur les médecins autochtones qui osent sortir de la pensée officielle. Ou encore ce plaidoyer pour l’émancipation des femmes en Algérie, qui met en avant un problème social, culturel et religieux, finalement peu scientifique. Non que ces sujets soient dénués d’intérêt, bien au contraire. Mais il s’agit d’autres pistes à suivre, toutes aussi indispensables à développer, qui auraient leur place dans un autre ouvrage qui leur serait consacré. Que penser encore de cette apologie d’une culture de la rue en Afrique du Nord-Ouest, culture séculaire qui envoie les enfants s’éduquer sur le trottoir, afin qu’ils cherchent eux-mêmes un maître à penser qui subviendra à leurs besoins ? Le constat est dressé que ce mode d’éducation est un échec, que la misère croissante a précipité ces enfants demandeurs dans un quasi-esclavage. L’auteur pourtant y voit une simple dérive d’un système qui fonctionnait bien autrefois. On se surprend à penser qu’une telle réflexion sur l’éducation, toute spécifique qu’elle soit à ce pays, n’en est pas moins un manquement grave aux droits de l’enfant. La culture ne peut pas s’autojustifier.

Enfin, le vif du sujet, celui qui s’entendait dans le titre, est atteint en page 185 avec l’ouverture de grands sujets de société, comme la mondialisation et l’éthique des sciences. Compatibilité ou non ? En particulier, la brevetabilité du génome humain est traitée de façon antinomique par un biologiste de l’industrie (F. Sgard), puis, dans la foulée, par le président honoraire de Médecins sans frontières (Rony Brauman). Le premier voit dans les brevets la stimulation des découvertes par le biais de la concurrence. Il dit : « La protection de la propriété intellectuelle incite à la recherche et au développement de produits ». Le second dénonce « cette notion de propriété intellectuelle, exercée comme un chantage permanent face aux impératifs des avancées scientifiques » Le débat est argumenté et fructueux.

Plus loin est abordé le thème de la contribution des pays émergents à la connaissance du patrimoine génétique humain, avec l’exemple du Liban qui, très hétérogène, avec des ethnies isolées et à forte consanguinité, s’est prêté à des études génétiques. Elles ont permis de mieux expliquer certaines maladies génétiques. Coopération ou colonialisme ? La réponse est difficile, car sans intention mauvaise bien sûr, les chercheurs ont tout de même quelquefois négligé le retour des bienfaits de leurs études sur les populations concernées.

Malgré un début en décalage avec son titre, malgré un aspect fourre-tout, les textes de ce colloque apportent une vraie réflexion et soulèvent de vraies inquiétudes.