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Vers le DSM-5

La classification des troubles de la personnalité

Publié en ligne le 8 août 2013 - Médecine -

La personnalité se définit comme l’intégration stable et individualisée d’un ensemble de comportements, d’émotions et de cognitions, fondée sur des modes de réactions à l’environnement qui caractérisent chaque individu (Cottraux et Blackburn, 2005). C’est notre signature comportementale qui fait dire aux autres : « c’est bien vous ! ». La personnalité inclut à la fois le tempérament d’origine génétique et le caractère qui résulte des apprentissages et des événements de vie de chacun.

Les psychologues représentent la personnalité sous la forme de traits qui vont de la normalité à la pathologie : c’est ce que fait le modèle à cinq facteurs OCEAN : Ouverture, Contrainte, Extraversion, Agréabilité, Neuroticisme (affect négatif).

Les psychiatres ont isolé des types de personnalité : ce que fait, en particulier, le DSM-IV détaillé plus loin. Quant aux psychothérapeutes, ils décrivent les troubles de la personnalité en termes de processus cognitifs, émotionnels et comportementaux qui sous-tendent et maintiennent la répétition de scénarios de vie par lesquels le patient se met lui même en échec (Cottraux, 2001). Ces trois approches sont compatibles entre elles car elles décrivent les troubles de la personnalité selon des angles différents. Une bonne classification a pour tâche de concilier ces points de vue en ne retenant ce qui est démontré par la recherche clinique.

L’axe II du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM pour Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) s’efforce de sortir le trouble de personnalité des stéréotypes sociaux du « bon et mauvais caractère », mais sa classification demeure un fait de culture plus que de nature car elle repose sur un consensus d’experts. Le passage à partir de 2013 du DSM-IV au DSM-5 a donné lieu à de nombreuses publications scientifiques contradictoires (Regier et al. 2011).

Les troubles de la personnalité selon le DSM-IV

Le DSM-IV, en place depuis 1996, propose six critères d’ensemble pour classifier les troubles de la personnalité et distingue ensuite dix troubles classés en trois sous-catégories (voir encadré).

Une étude de l’OMS effectuée sur treize pays (Huang et al., 2009) qui utilisait les critères du DSM-IV, a montré, sur les 21 162 personnes étudiées avec un inventaire de personnalité, que 6,1 % de la population mondiale pourraient présenter un trouble de la personnalité.


Les troubles de la personnalité selon le DSM-IV (1996)

Six critères d’ensemble

Critère A. Les traits représentent une déviation importante par rapport à ce que la culture à laquelle appartient l’individu attend de lui et ils se manifestent dans au moins deux des quatre domaines suivants : cognition, affectivité, relations interpersonnelles, ou contrôle des impulsions.

Critère B. Les traits de personnalité doivent être rigides et se manifester dans de très nombreuses situations.

Critère C. Ils conduisent à une détresse des perturbations dans les relations sociales et professionnelles.

Critère D. Le pattern est stable et peut être retracé depuis l’adolescence, ou le début de l’âge adulte.

Critère E. Ils ne doivent pas résulter d’un autre trouble psychiatrique.

Critère F. Ils ne résultent pas d’un état de dépendance (addiction), d’un abus de substance ou d’une maladie médicale.

Dix types de troubles de la personnalité

Ces dix types sont classés en trois sous-catégories et une catégorie résiduelle : le trouble de personnalité non spécifié.

Groupe A : Distant (excentrique, bizarre)

1. La personnalité paranoïaque : méfiance soupçonneuse envers les autres dont les intentions sont interprétées comme malveillantes.

2. La personnalité schizoïde : détachement des relations sociales et restriction de la variété des expressions émotionnelles.

3. La personnalité schizotypique : gêne aiguë dans les relations proches, distorsions cognitives et perceptuelles et conduites excentriques.

Groupe B : Impulsif (dramatique, émotionnel).

4. La personnalité antisociale : mépris et transgression des droits d’autrui.

5. La personnalité borderline : impulsivité marquée et instabilité des relations interpersonnelles, de l’image de soi et des affects.

6. La personnalité histrionique : réponses émotionnelles excessives et quête d’attention.

7. La personnalité narcissique : fantasmes ou comportements grandioses, besoin d’être admiré et manque d’empathie.

Groupe C : Anxieux et peureux.

8. La personnalité évitante : inhibition sociale, sentiments de ne pas être à la hauteur et hypersensibilité au jugement négatif d’autrui.

9. La personnalité dépendante : comportement soumis et « collant » lié à un besoin excessif d’être pris en charge.

10. La personnalité obsessionnelle compulsive : préoccupation de l’ordre, de la perfection et du contrôle.

Le trouble de personnalité non spécifié correspond à plusieurs traits subliminaires de différents types ou à un type qui n’appartient pas aux dix types ci-dessus : par exemple la personnalité passive agressive ou la personnalité dépressive.

Les évolutions proposées pour le DSM-5

L’enjeu était de limiter le nombre de troubles de personnalité et surtout de définir des dimensions de personnalité, sans enfermer comme le faisait le DSM-IV les patients dans une dizaine de « cases » contestables. En particulier, une onzième case : « trouble de personnalité non spécifié » se trouvait être la plus utilisée dans certaines études ce qui mettait en doute la pertinence de la classification établie par le DSM-IV.

De plus, la plupart des troubles de personnalité sont comorbides : en particulier la personnalité histrionique recoupe largement la personnalité borderline (Skodol et Bender, 2009).

Propositions d’évolution du DSM-5 pour les troubles de la personnalité

De nouveaux critères

Ces nouveaux critères se substitueraient aux six précédents.

A. Altération du soi (identité et direction de soi) et du fonctionnement interpersonnel (empathie ou intimité).

B. Un trait pathologique ou plus, ou bien des facettes correspondant à des traits.

C. L’altération de la personnalité et l’expression des traits sont relativement stables dans le temps et constants à travers les situations.
D. L’altération de la personnalité et l’expression des traits ne sont pas mieux compris comme normaux en considérant le stade du développement ou le contexte socioculturel.

E. L’altération de la personnalité et l’expression des traits ne sont pas seulement dus à l’effet direct d’une substance (ex : addictions) ou à un état qui relève de la médecine générale (ex : traumatisme crânien).

Six troubles de personnalité

Seulement six troubles de la personnalité ont été conservés : antisocial, évitant, borderline, narcissique, obsessionnel-compulsif et schizotypique. Voir en exemple, dans l’encadré « Trouble narcissique de personnalité » avec les critères qui définissent ce trouble.

Échelle des niveaux de fonctionnement de la personnalité

Altération du soi (identité et direction de soi) et du fonctionnement interpersonnel (empathie ou intimité). Les cinq niveaux de sévérité : 0 = Pas d’altération, 1 = Légère altération, 2 = Altération modérée, 3 = Sérieuse altération, 4 = Altération extrême.

Cinq traits et les vingt-cinq facettes

Évaluation : 0. peu, 1. légèrement, 2. modérément, 3. très descriptif.

Émotion négative
 Émotions labiles, angoisse, peur de la séparation, persévération, soumission, hostilité, tendances dépressives, suspicion, affectivité restreinte ou manque total de restriction affective.

Détachement
 Affectivité restreinte, tendances dépressives, suspicion, retrait, anhédonie (absence de capacité à ressentir du plaisir), évitement de l’intimité.

Antagonisme
 Manipulation, tromperie, grandiosité, recherche de l’attention, manque d’égards, hostilité.

Désinhibition/Compulsivité
 Irresponsabilité, impulsivité, distractibilité, prise de risques.
 À l’opposé conformisme rigide ou absence totale de conformisme.

Psychoticisme
 Expériences et croyances bizarres. – Excentricité.
 Dérégulation cognitive et perceptive.

Les tendances actuelles ont été publiées sur le site du DSM-5 en date du 21 juin 2012. Selon le DSM-5, un trouble de la personnalité correspond à une altération du fonctionnement du soi (self) et du fonctionnement interpersonnel et à la présence de traits pathologiques. Le diagnostic repose sur six critères, et seulement six troubles ont été conservés. Cinq traits (ou domaines) de personnalité et vingt-cinq facettes permettent d’assurer leur diagnostic. Une échelle permet de mesurer l’importance de l’altération du fonctionnement de la personnalité : l’échelle des niveaux de fonctionnement de la personnalité représentée dans le tableau (voir encadré).

Le trouble de personnalité narcissique qui avait été au début éliminé vient d’être rajouté au DSM-5 à la suite de discussions très serrées. Il aurait été dommageable de l’éliminer car les patients qui en sont porteurs viennent souvent consulter pour une dépression, après un échec personnel ou professionnel.

C’est parmi elles que se trouvent les personnes qui exercent le harcèlement moral sur les autres, les leaders pathologiques qui créent sans cesse des conflits de pouvoir au travail, car ils ont des idéaux exigeants et une haute opinion d’eux-mêmes. Ils font souvent souffrir les autres, même s’ils souffrent peu en dehors des épisodes de dépression où se révèlent leurs sentiments profonds de non-valeur et d’incompétence.

Comment établir le diagnostic ?

L’approche standard proposée par le DSM-5 suit les étapes suivantes :

1. Est-ce qu’il existe une altération du soi et des relations interpersonnelles ou non ?

2. Si oui, évaluer le niveau d’altération du soi (identité ou direction de soi) et des relations interpersonnelles (empathie ou intimité) avec l’échelle des niveaux de fonctionnement de la personnalité.

3. Est-ce qu’un des six types de trouble de la personnalité est présent ?

4. Si oui, enregistrer ce type et la sévérité de l’altération.

5. Si non, est-ce qu’un trait spécifique est présent parmi les cinq traits ?

6. Si oui, enregistrer le domaine du trait et le niveau d’altération. La présence d’un ou plusieurs traits spécifiés remplace la catégorie : trouble de personnalité non spécifié du DSM-IV. Le nouveau nom pour cette catégorie est : trouble de personnalité avec un trait spécifié (en anglais PDTS, en français TPTS).

7. Si l’un des six troubles de personnalité est présent enregistrer les différentes facettes que comportent le ou les traits pathologiques.

8. S’il n’y a ni un des six troubles, ni un trouble de personnalité avec un trait spécifié : évaluer les domaines et les facettes de personnalité si cette démarche apparaît utile pour comprendre le cas.

Conclusion

Le DSM-5 représente un tournant radical car il réduit le nombre de troubles de la personnalité de dix à six et propose, en plus de ces six types, une approche dimensionnelle. Cette nouvelle classification est en train d’être testée sur le terrain. Mais on peut déjà observer qu’elle n’est pas simple, et sera très exigeante pour le clinicien.

Références

1 | American Psychiatric Association, DSM-IV. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, trad. fr. de J.-D. Guelfi, Paris, Masson, 1996.
2 | DSM-5 : http://www.dsm5.org/proposedrevisio...
3 | Cottraux J et Blackburn IM : Psychothérapie cognitive des troubles de la personnalité, Masson, Paris, 2006.
4 | Cottraux J, La répétition des scénarios de vie, Odile Jacob, Paris, 2001.
5 | Huang Y et al. “DSM-IV personality disorders in the WHO World Mental Health Surveys” ; The British Journal of Psychiatry, 2009, 195, 46-53.
6 | Regier DA, Narrow WE, Kuhl EA, Kupfer D : The conceptual evolution of DSM-5, American Psychiatric Association, Washington DC, 2011.
7 | Skodol AE, Bender DS. “The Future of Personality Disorders in DSM-V ?” American Journal of Psychiatry 2009 ;166 :388-391.