Accueil / Notes de lecture / L’incroyable Stephen Hawking

L’incroyable Stephen Hawking

Publié en ligne le 7 février 2013
L’incroyable Stephen Hawking

Kitty Ferguson
Flammarion, 2012, 452 pages, 23 €

Une musicienne professionnelle reconvertie à la vulgarisation scientifique qui nous présente une biographie de Stephen Hawking, cosmologiste, et auteur très médiatisé d’Une brève histoire du temps, voilà un programme plutôt alléchant. Ce volumineux ouvrage alterne les chapitres consacrés à la vie de Hawking et ceux consacrés à ses activités scientifiques. Ce procédé de narration permet de tenir le lecteur en haleine, s’il venait à se lasser des exposés scientifiques comme des détails de la vie privée, très publique, de Stephen Hawking.

Ce livre couvre les différentes étapes de la recherche scientifique de Hawking et constitue un beau travail de vulgarisation sur les sujets les plus pointus de la cosmologie, comme les trous noirs ou la théorie des cordes. Le lecteur néophyte peut comprendre plutôt facilement des notions très complexes aidé par des schémas particulièrement clairs. On passe allègrement des trous noirs qui pétillent, aux constantes cosmologiques qui oscillent en dehors de la « valeur réglementaire » dans d’autres univers (le fameux « Multivers » de sa M-théorie, contenant, au minimum, 10500 univers). Kitty Ferguson nous plonge avec brio au voisinage de surfaces microscopiques qui semblent danser plus on s’en approche ou au sein d’une symphonie de particules des plus étranges. Et toujours avec les interrogations de Stephen Hawking : y a-t-il un chef d’orchestre qui dirige ce grand brouhaha ? L’orchestre ne pourrait-il pas jouer sans chef ?

On apprend par ailleurs, dans cette biographie, qu’il avait décidé d’emblée d’écrire un livre à succès sur l’univers pour payer les frais de scolarité de sa fille. Avec des millions d’exemplaires vendus très rapidement, le scientifique devient célèbre ! Ferguson nous montre avec quel talent il organise sa promotion médiatique, toujours en crescendo. Avec sa participation à des séries très connues, comme « Star Trek » ou les « Simpson », le lecteur suit pas à pas l’évolution de sa notoriété, digne d’une rock-star !

Kitty Ferguson nous présente aussi son parcours scientifique qui fluctue continuellement et se perd parfois, de conjectures en conjectures, dans le dédale des théories du XXe siècle. Elle nous dépeint un scientifique surdoué pour trouver ce qui est en discordance dans les théories des autres chercheurs et nageant dans le monde de la cosmologie avec une virtuosité époustouflante. Accordant une foi quasi religieuse aux mathématiques (et tant pis selon lui si le modèle ne correspond pas à une réalité physique puisque cette réalité est inaccessible…), il se plonge avec aisance dans les spéculations et hypothèses les plus irréfutables.

Célèbre aussi pour ses provocations, ses retournements et ses déclarations tonitruantes, comme en 1996 où il écrivit qu’il serait impossible d’observer le boson de Higgs (pourtant peut-être découvert en juillet 2012), le scientifique ne cesse de fasciner tant le grand public que les hommes politiques, les réalisateurs... Il s’exprime beaucoup en dehors de son domaine de compétence et mêle souvent insidieusement l’idée de Dieu à ses ouvrages destinés au grand public. Ici, il y aurait vraiment un bémol à mettre au travail par ailleurs impressionnant de Kitty Ferguson. Emportée par son admiration, elle ne prévient pas assez le lecteur des contresens que fait Hawking en instillant du vocabulaire religieux dans les écrits scientifiques. Il est regrettable qu’elle n’ait pas pris davantage de recul pour dénoncer ces confusions. Le récit s’achève en soulignant aussi son échec à débusquer cette fameuse théorie du « Tout » qu’il avait bruyamment annoncé au début de sa carrière. Stephen Hawking sait qu’il n’aura pas le Nobel espéré, ses recherches étant le plus souvent hautement spéculatives.

Ce livre dépeint donc autant un formidable animal médiatique qu’un grand scientifique. Si nous n’avons pas accès aux secrets de l’univers, nous aurons au moins accès à ceux de l’hypermédiatisation.