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Deux prix pour rire

Publié en ligne le 9 décembre 2014 - Science et médias -

Si les IgNobel Prizes sont assez bien connus, les Darwin Awards le sont-ils autant ?

Les IgNobel Prizes

Les IgNobel, que l’on peut prononcer Ignobel (ignoble), sont des prix parodiques organisés par le magazine Annals of Improbable Research. Ils sont décernés chaque année en présence de vrais Nobel à des inventeurs plus ou moins farfelus, au cours d’une soirée complètement loufoque (cf. les vidéos

sur le site dédié [1]), qui a lieu au Sanders Theatre de l’Université Harvard aux États-Unis. Les IgNobel sont destinés à récompenser des recherches inattendues « qui font rire puis réfléchir », « Research that makespeople LAUGH and then THINK ». Leur vocation est de « célébrer l’insolite, honorer l’imagination et stimuler l’intérêt dans les sciences, la médecine, et la technologie. »

En 2013, dans la catégorie prix de la probabilité, des chercheurs britanniques, canadiens et néerlandais ont posé des détecteurs sur les pattes des vaches pour enregistrer le temps qu’elles passent couchées ou debout et ont démontré que plus une vache restait couchée longtemps, plus il était probable qu’elle se relèverait bientôt, mais que, si elle se relève, il est difficile de prédire quand elle va se recoucher ! [2]

En 2013 encore, le prix de psychologie a été attribué à Laurent Bègue et son équipe du Lip (Laboratoire inter-universitaire de psychologie de Grenoble), pour son étude intitulée « Beauty is in the eye of the beer holder : People who think they are drunk also think they are attractive » (« La beauté est dans les yeux du buveur de bière : les gens qui pensent qu’ils sont saouls se croient plus séduisants »), publiée en mai 2012 dans le British Journal of Psychology. Elle démontre qu’une meilleure perception de soi, quand on a bu de l’alcool, n’est pas due à ses effets pharmacologiques, mais à une illusion et un effet placebo [3].

Quant au prix de physique, il a récompensé une étude montrant que certaines

personnes seraient physiquement capables de courir sur la surface d’un étang, si celui-ci était sur la Lune...

Ces récompenses cocasses cachent souvent de vraies questions qui donneront parfois lieu à d’autres recherches scientifiques fécondes.

Il reste que l’IgNobel est aussi décerné pour des théories erronées comme ce fut le cas en 1991 pour Jacques Benvéniste qui reçut le prix de chimie pour son étude sur la mémoire de l’eau et en 1998, pour avoir prétendu que cette mémoire pouvait se numériser et se transmettre par Internet.

Enfin, l’IgNobel couronne certains actes ou un accomplissement stupides. C’est ainsi que le prix pour la paix a été offert conjointement au président de la Biélorussie, Alexandre Loukachenko, qui a déclaré illégal d’applaudir en public, et à la police biélorusse pour avoir arrêté un manchot ayant enfreint cette loi ! [4]

Les Darwin Awards

Ils rendent hommage à Charles Darwin et à sa théorie de l’évolution et de la sélection naturelle [5]. Inventés en 1993 par une étudiante de l’Université Stanford aux États-Unis, Wendy Northcutt, qui ne manquait ni d’humour ni de cynisme, ils récompensent à titre posthume des personnes mortes d’une façon stupide. Leur disparition contribue ainsi à améliorer le patrimoine génétique humain en ne perpétuant pas davantage cette part de l’espèce. Le mérite n’en revient qu’aux lauréats, seuls artisans de leur propre mort.

Voici quelques exemples de Darwin Awards : dans l’appartement d’un ami, Gary boit une gorgée de ce qu’il prend pour un verre d’alcool. Or, c’est de l’essence. Le jeune homme recrache alors le liquide. Pour se remettre de ses émotions, il décide d’allumer une cigarette... Essence + flamme = feu !

Pour s’assurer qu’un réservoir ne contient pas de produit inflammable, un homme s’éclaire avec un briquet ! Rappel : essence + flamme = feu !

Fasciné par le spectacle, il saute d’un avion pour filmer des parachutistes en oubliant son parachute...

Un agent immobilier veut montrer à quel point les vitres de l’immeuble qu’il fait visiter sont solides. Il donne alors un coup d’épaule et tombe du 24e étage !

Mais prudence ! Certains des Darwin Awards dépassent tellement l’entendement qu’ils ne sont sans doute que des légendes urbaines [6]. Citons cet homme distrait à qui la Poste aurait renvoyé sa lettre piégée parce qu’il avait oublié le timbre ! Il est difficile d’admettre qu’il ait pu y indiquer ses propres coordonnées !

L’annonce du Darwin Award se fait par courriel ou par le Web. Les récipiendaires ne sont plus là pour s’en féliciter.

Je rappellerai pour conclure cette sentence d’Albert Einstein que les Darwin Awards ne manquent pas de vérifier ni de célébrer régulièrement : « Deux choses sont infinies : l’Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue ».

Deux prix pour rire ! Mais si les IgNobel sont franchement humoristiques, les Darwin Awards font plutôt dans l’humour noir !

Références

1 | http://www.improbable.com/ig/archiv...
2 | http://www.appliedanimalbehaviour.com/article/S0168-1591(10)00054-7/abstract (indisponible—27 mai 2020)
3 | Bègue, Laurent, et al. "‘Beauty is in the eye of the beer holder’ : People who think they are drunk also think they are attractive." British Journal of Psychology 104.2 (2013) : 225-234 et Psychologie du bien et du mal
4 | Note de lecture d’Agnès Lenoire : Les prix IgNOBEL
5 | https://darwinawards.com
6 | https://www.darwinawards.com/legends/ et http://urbanlegends.about.com/od/da...

Publié dans le n° 309 de la revue


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L' auteur

Brigitte Axelrad

Professeur honoraire de philosophie et psychosociologie. Membre du comité de rédaction de Science et (...)

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