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Dans Libération du 28 juin 2005 - La CIA, l’art et le roman

Publié en ligne le 1er juillet 2005 - Sociologie -

Une œuvre d’art, perforée de quatre messages codés, et installée dans la cour de la CIA, entraîne le fanatisme des lecteurs du Da Vinci code.

Elle s’appelle Kryptos et prend la forme d’un ruban de cuivre déroulant un « S ». S comme sibylline.

Elle a d’ailleurs été faite pour l’être, sibylline. Dans Libé du 28 juin, Pascal Riché nous raconte son histoire. Inaugurée en 1990, elle est perforée de lettres composant un message en quatre parties, de difficulté de décryptage croissante. L’œuvre se dresse comme un défi devant la CIA à Washington ; l’artiste, Jim Sanborn, en voulant rendre hommage au travail de la CIA, leur a posé une colle magistrale.

Car si, après sept ans de recherches, les trois premières parties ont été déchiffrées, la quatrième résiste toujours.

Chapeau bas à ces enquêteurs amoureux des jeux de pistes intellectuels qui se lancent dans l’aventure et la gagnent. Mais le jeu de pistes est devenu obsession après la sortie du livre de Dan Brown, Da Vinci Code. Pourtant, l’auteur ne parle pas de cette œuvre dans son livre, mais y fait juste allusion dans sa jaquette, comme un mystère à résoudre, un fil à suivre.

Ne dites les choses qu’à moitié, et vous déchaînerez les tempêtes et les passions !

Le raz-de-marée sur Kryptos a alors emporté la raison. Le site web le plus complet sur Kryptos a vu ses visiteurs passer de quelques dizaines à quelques milliers par jour ; un chef d’entreprise change de boulot pour libérer son esprit et pouvoir penser en permanence à l’énigme de Kryptos. L’artiste est soudainement submergé, harcelé d’appels d’enquêteurs qui lui suggérent leurs solutions. Le groupe yahoo a vu la formation d’un groupe de 678 chercheurs.

Jim Sanborn est plutôt agacé

La manière dont Dan Brown profite de son énigme, sans trop de travail, lui paraît peu urbain...Dan Brown ne l’a même jamais contacté. Il annonce même que Kryptos occupera une part plus importante dans la suite du Da Vinci code. Et puis Sanborn se sent dépassé par cette frénésie, qu’il comprend mal. Vaguement inquiet, il a débarassé sa maison de tout indice, tout document concernant son œuvre, histoire de décourager les visiteurs mal intentionnés.
Il dit très justement dans Libé : « Il y a beaucoup de personnes qui sont devenues obsédées par ce code, et toute obsession va de pair avec une certaine déconnection sociale. »
Mais comment un simple roman a-t-il pu faire basculer autant d’esprits de la passion intellectuelle à un fanatisme aliénant ? Quel mystère entoure les pouvoirs d’une fiction ?