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11 septembre : la théorie du complot perdure

Publié en ligne le 19 janvier 2009 - Attentats du 11 septembre -
par Jean-Paul Krivine - SPS n° 284, janvier 2009

Jean-Marie Bigard a fait sensation lors de l’émission de Laurent Ruquier « On va s’gêner » sur Europe 1 où il était invité vendredi 5 septembre 2008. À propos des attentats de 2001, il a repris à son compte la théorie du complot : « on est absolument sûrs et certains que les deux avions, dont celui qui s’est écrasé sur le Pentagone, n’existent pas. Il n’y a jamais eu d’avion. Ces deux avions volent encore. C’est un mensonge absolument énorme. Il est vraisemblable que de plus en plus on enquête là-dessus. […] On commence à penser très sérieusement que ni Al-Qaïda ni aucun Ben Laden n’a été responsable des attentats du 11 septembre. (...) Il est très vraisemblable que la version officielle ne correspond tellement pas à la réalité. […] C’est un missile américain qui frappe le Pentagone. Ils l’ont provoqué eux-mêmes. Ils ont tué des Américains. […] C’est absolument hallucinant ». Marion Cotillard, Oscar de la meilleure actrice à Hollywood en 2007, avait tenu des propos similaires. Ainsi repris par des personnages médiatiques, la théorie du complot initiée en France par Thierry Meyssan en 2002 retrouve un second souffle.

Le ressort des thèses conspirationnistes est toujours le même : « on vous cache la vérité ». Concernant les attentats du 11 septembre, le discrédit de l’administration Bush et les mensonges sur les prétendues armes de destructions massives en Irak donnent une base pour présenter ces théories sous un jour à la fois crédible et progressiste. Peu importe les études et les rapports (« les scientifiques sont dans le complot, ils ne sont pas indépendants »), peu importe les images et les faits (« elles sont truquées, et Internet regorge de nouveaux faits et de nouvelles images »). Des analyses compliquées aux allures scientifiques sont produites, et les démonter exige un travail colossal qui sera de toute façon écarté d’un revers de main. Enfin, Internet est utilisé comme vecteur de propagation de la rumeur 1.

Si en France, les partisans de la théorie du complot en ce qui concerne les attentats du 11 septembre sont plutôt marginaux, le fait mérite quand même qu’on s’y arrête. En effet, les mécanismes utilisés ont une valeur plus générale.

D’un côté, l’expertise scientifique est discréditée, accusée d’être corrompue par le pouvoir. Les experts eux-mêmes sont vilipendés alors que les opposants se présentent comme des martyrs, victimes d’une omerta d’état qui chercherait à les faire taire. D’un autre côté apparaissent des « experts » autoproclamés « indépendants », « combattant pour le bien de tous » et produisant des contre-rapports scientifiques que la « science officielle » ne voudrait pas reconnaître et que le pouvoir voudrait enterrer pour des intérêts privés ou politiques. Et le tout sur fond d’Internet qui offre une formidable caisse de résonance. Ne retrouve-t-on pas une partie des ingrédients de récentes controverses environnementales ?

1 Voir « Les théories conspirationnistes autour du 11 septembre », SPS n° 279, 2007, et « L’imposture est dans la rumeur », SPS n° 252, 2002.