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Le petit gros est un petit dormeur

Publié en ligne le 21 décembre 2006 -
par Isabelle Burgun

L’enfant qui manque de sommeil court trois fois plus de risques de développer de l’embonpoint. Plus encore, une courte nuit aurait plus d’influence sur le poids que la « malbouffe » ou la sédentarité ont avancé des chercheurs de l’Université Laval l’hiver dernier dans l’International Journal of Obesity.

« L’effet du manque de sommeil dans le contrôle de l’appétit est quasi-immédiat. Le petit dormeur va manger davantage et prendre du poids »", soutient le Pr Angelo Tremblay, professeur à la faculté de médecine de l’Université Laval.

En s’attardant au tour de taille, au poids et à la taille de 422 enfants âgés de 5 à 10 ans de la région de Québec, les chercheurs se sont penchés sur les habitudes de vie et leurs conditions socioéconomiques. Le temps passé devant la télé, le manque d’activité physique, le niveau d’éducation ou l’obésité des parents : aucun facteur ne présentait une si forte influence dans la prise de poids de l’enfant que le manque de sommeil.
Une fille sur quatre et un garçon sur cinq de la cohorte étudiée présentaient un embonpoint.

« Une courte nuit, c’est cinq-six heures pour l’adulte et huit-dix heures chez l’enfant. Ce qui ne veut pas dire que l’enfant dorme dix heures mais c’est bien moins que ce qui est souhaitable à cet âge-là », précise le Pr Tremblay, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en activité physique, nutrition et bilan énergétique.

Les chercheurs se sont penchés sur le manque de sommeil à la suite d’une recherche américaine parue en 2004 sur la privation de sommeil et les comportements alimentaires 1. « La littérature en épidémiologie suggère également cette relation ».

Sur la même inspiration, l’équipe de l’Université Laval s’est mise à suivre la piste hormonale. « La privation de sommeil va avoir de l’influence sur notre profil hormonal. Cette modification va augmenter notre alimentation et donc influencer notre prise de poids ». Une plus courte nuit diminue la circulation de leptine, une hormone produite par les cellules adipeuses et qui aurait un effet inhibiteur sur l’alimentation. Une courte nuit va aussi augmenter le niveau de ghreline, une hormone produite par la muqueuse de l’estomac qui, elle, augmente l’appétit. « Et une manière de récupérer le sentiment de satiété va être pour l’organisme d’augmenter la réserve de graisse corporelle », explique le Pr Tremblay.

Depuis dix ans, la recherche sur l’obésité se penche particulièrement sur de nombreux facteurs environnementaux liés à la « modernité » — stress, pollution, tabagisme, travail mental, etc. — de sorte que la piste du manque de sommeil s’avère une hypothèse encore jeune. Mais si c’étaient les personnes plus grosses qui dormaient moins bien ? « Qui de la poule ou de l’œuf ... » convient Angelo Tremblay. « On ignore encore si la personne obèse serait plus stressée et bénéficierait moins des bénéfices du sommeil. »

Comprendre tous les bénéfices d’un bon sommeil risque encore d’occasionner quelques nuits blanches aux chercheurs...

1 Karine Spiegel et al., « Sleep Curtailment in Healthy Young Men Is Associated with Decreased Leptin Levels, Elevated Ghrelin Levels, and Increased Hunger and Appetite », Annals Internal Medicine, Déc 2004 ; 141 : 846 - 850.


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