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Le biodiesel : Un carburant qui tarde à s’implanter au Québec

Publié en ligne le 4 octobre 2006 -
par Stéphane Gagné

L’ère du pétrole tire à sa fin et plusieurs s’activent pour trouver des carburants qui pourront en réduire l’usage ou le remplacer. Le biodiesel est l’un de ses carburants. Au Québec, son potentiel d’utilisation est grand, mais l’infrastructure et la volonté semblent faire défaut.

Ainsi, un mélange de 20 % de biodiesel dans le diesel (B20) permet de diminuer les émissions de tous les polluants associés à la combustion du diesel : oxydes d’azote (NOx), particules, particules fines, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), sulfates (SO2) et monoxyde de carbone (CO). Pour les véhicules routiers, les réductions atteignent de 5 à 30 %, selon le polluant (5 % pour les NOx et 30 % pour le CO). Le biodiesel réduit les émissions de gaz à effet de serre (GES) et accroît les qualités lubrificatrices du diesel.

Or, après avoir réalisé trois projets de démonstration (Biobus, Biopêche et Biomer) depuis le début des années 2000, le Québec en est toujours à une utilisation très marginale de ce carburant.

Le projet Biobus, le plus connu, a permis à 155 autobus de la Société de transport de Montréal (STM) de rouler au B20, de mars 2002 à mars 2003, dans le centre-ville de Montréal. Il a permis de réduire 1400 tonnes de gaz à effet de serre, soit l’équivalent de près de 300 voitures roulant 20 000 kilomètres par année. La STM voudrait étendre son utilisation à ses 1600 autobus, mais ça bloque en raison du coût élevé. « Il y a un écart de 20 cents le litre entre le prix du biodiesel et le prix du diesel », affirme Luc Tremblay, directeur d’études, Développement technologique à la STM. « De plus, aucune entreprise au Québec n’est en mesure de fournir du B20 à notre société » (c’est-à-dire apte à faire le mélange biodiesel-diesel. « Nous avons fait un appel d’offres l’an dernier et nous n’avons eu aucune réponse. »

Par ailleurs, de la mi-mai à la mi-octobre 2005, 12 bateaux de croisières de Montréal ont carburé au biodiesel. Dans ce cas-ci, on a utilisé surtout du biodiesel pur (B100). Le projet, appelé Biomer a donné d’excellents résultats. Il a permis de grandes réductions des GES et des polluants émis habituellement : 86 % pour les HAP, 75 % pour le SO2 et 35 % pour le CO. « Les entreprises de croisière se sont montrées intéressées à utiliser le biodiesel à diverses concentrations à condition que son prix soit concurrentiel », affirme Nicolas Parent, chargé de projet chez Innovation Maritime, l’entreprise qui a géré le projet. Ce qui n’est pas le cas en ce moment.

Le projet Biopêche qui visait à tester l’utilisation du B100 dans un navire de pêche de 45 pieds, durant l’été 2005, a aussi été concluant, avec une réduction comparable de GES et de polluants.

Le biodiesel pourrait évidemment être utilisé comme carburant dans les véhicules routiers. Mais pour l’instant, une seule station-service en vend : la pétrolière Sonic à Saint-Hyacinthe. Et elle n’en vend que l’été à cause des risques de gel du produit ! « Nous hésitons à étendre la vente du biodiesel, car nous craignons ne pas avoir une bonne réponse des consommateurs », affirme François Gingras, directeur Environnement, transport et équipement chez Sonic. M. Gingras sait de quoi il parle : Sonic vend un autre biocarburant – l’éthanol depuis 1995 – et les ventes n’ont jamais décollé à cause de son prix, plus élevé que l’essence.

Le Québec possède pourtant la plus grande usine de fabrication de biodiesel au pays, à Sainte-Catherine. Rothsay Biodiesel, une division des Aliments Maple Leaf, produit 750 000 tonnes métriques de biodiesel chaque année à partir de résidus (graisses animales, huiles de friture et huiles végétales non comestibles) provenant de salaisons, de boucheries, de restaurants, de supermarchés et de fermes. « Notre biodiesel est vendu à 98 % à l’extérieur du Québec, surtout aux États-Unis et ailleurs au Canada », affirme Claude Bourgault, directeur de Rothsay et artisan de la technologie développée ici. La demande est si forte que Rothsay prévoit agrandir ou construire une autre usine, peut-être en Ontario.

C’est qu’ailleurs, l’usage du biodiesel est en forte croissance. Ainsi, au Canada, une trentaine de parcs de véhicules, surtout en Ontario et en Colombie-Britannique utilisent ce carburant. La Toronto Transit Commission (l’équivalent de la STM) vient même de convertir ses 1500 autobus au B5. Le biodiesel est cependant appelé à se développer, selon Camil Lagacé, président directeur-général du Conseil québécois du biodiesel, surtout depuis que le gouvernement Charest a accordé, en mars 2006, un remboursement de taxes à l’achat du biodiesel pur.


Mots-clés : Sociologie


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