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Communiqué de presse. Fermeture de la centrale de Fessenheim : des arguments environnementaux et de sûreté infondés

Publié en ligne le 29 juin 2020 -
Communiqué de presse, 28 juin 2020

La centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin) cesse définitivement ses activités après 42 ans de service.

Le gouvernement français a motivé sa décision de fermer la centrale de Fessenheim en affirmant [1] qu’elle « correspond à l’engagement de la France de réduire la part du nucléaire dans la production d’énergie », que « cette fermeture constitue une première étape dans l’objectif de réduire à 50 % la part du nucléaire dans le mix énergétique français, et ce d’ici à 2035 » et que « cet arrêt s’inscrit également dans un contexte de baisse des émissions de gaz à effet de serre issues de la production d’électricité, grâce à la fermeture progressive des centrales à charbon d’ici 2022 ». Le choix de Fessenheim se justifierait par le fait qu’il s’agit de « la plus ancienne des 19 centrales nucléaires françaises ».

Une décision politique n’a pas besoin de justifier d’une quelconque forme de pertinence écologique, économique ou industrielle pour être légitime. La volonté de fermer Fessenheim est donc intrinsèquement légitime sur le plan politique 1.

Néanmoins, contrairement à ce qui est présenté par le gouvernement, cette décision ne répond à aucun impératif ni environnemental ni de sûreté. Elle va même à l’encontre de l’objectif affiché de « neutralité carbone » pour 2050 ou de celui d’une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre pour 2030 [2].

Sur le plan des émissions de gaz à effet de serre.

Affirmer que la fermeture de la centrale de Fessenheim « s’inscrit également dans un contexte de baisse des émissions de gaz à effet de serre » est trompeur. Cela laisse entendre que son maintien en activité aurait été contraire à cet objectif de réduction des gaz à effet de serre. Or, la fermeture de la centrale conduit à se priver d’un moyen de production pilotable et décarboné avec, en conséquence, et quel que soit par ailleurs le scénario de consommation électrique ou de développement des autres formes d’énergie, des émissions accrues par rapport aux scénarios conservant cette centrale en activité [3].

Sur le plan de la sûreté de fonctionnement.

Laisser entendre qu’au nom de la sûreté, cette centrale, parce que « la plus ancienne », serait celle qu’il faudrait fermer en priorité constitue un désaveu des avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Or, l’ASN, créée par la loi du 13 juin 2006, est « une autorité administrative indépendante [qui] assure, au nom de l’État, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour protéger les personnes et l’environnement » [4]. Elle est seule habilitée à juger de la sûreté d’une installation. C’est sur le respect par l’autorité politique des avis techniques émis par l’ASN que repose tout l’édifice de sûreté. En l’occurrence, en ce qui concerne la centrale de Fessenheim, l’avis de l’ASN a toujours été sans ambiguïté. Année après année, les performances en matière de sûreté nucléaire du site de Fessenheim se sont toujours distinguées de manière favorable [5].

L’Association française pour l’information scientifique dénonce donc le recours à des arguments scientifiques infondés, qu’ils soient environnementaux ou qu’ils concernent la sûreté, pour justifier une décision politique.

Conseil d’administration de l’Afis, 27 juin 2020


Références
1 | « Arrêt d’un réacteur à Fessenheim : une première étape pour réduire la part de l’énergie nucléaire », site du gouvernement, 21 février 2020. Sur gouvernement.fr
2 | « L’Assemblée nationale inscrit la neutralité carbone et l’“urgence écologique et la crise climatique” dans la loi », 27 juin 2019. Sur le site du ministère de la Transition écologique et solidaire.
3 | Cordiez M, Ingremeau JJ, « Fermeture de la centrale de Fessenheim : beaucoup d’idées reçues… », Science et pseudo-sciences n°333, 26 juin 2020.
4 | Site de l’ASN
5 | ASN, « Conférence de presse Strasbourg région Grand-Est – Bilan 2018 et perspectives 2019 ». Sur www.asn.fr
6 | « Les principaux points de l’accord PS-EELV », Le Monde avec AFP, 16 novembre 2011.
7 | « Programmation pluriannuelle de l’énergie : quelle ambition ? ». Sur gouvernement.fr

1 L’engagement à réduire la part du nucléaire à 50 % en 2025 remonte à 2012, à un accord de campagne entre François Hollande – alors candidat à l’élection présidentielle – et le parti Europe Écologie les Verts (EELV) [6], historiquement antinucléaire. Cet engagement électoral a été intégré dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 puis repris par le candidat puis le président Emmanuel Macron. L’échéance de 2025 a été reportée à 2035, date à laquelle quatorze centrales devront avoir été fermées [7].


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